On nous annonce la création d’une revue «chic», «conviviale» et «recentrée sur le cinéma français». Il va sans dire que les Cahiers n’ont jamais été aucun des trois. Les Cahiers se sont toujours moqués du chic et du toc. Ils n’ont jamais été une plateforme de débats pour/contre : la santé des Cahiers, c’est leur virulence, quand on sait dur comme fer qu’elle est au service de la défense d’idées, de passions et de convictions. Les Cahiers ont toujours été ouverts sur le monde. Et l’équipe a été très attentive au cinéma français depuis onze ans mais sans doute ce n’est pas le bon cinéma français que nous avons défendu. Il faut recentrer les excentriques. On nous affaiblit en minimisant les chiffres de vente, alors que, malgré une absence sévère de moyens, les Cahiers se maintiennent dans le contexte de l’effondrement de la presse, terminant même 2019 avec une progression des ventes en kiosque. Dernier message alarmant : les Cahiers sont envisagés comme une marque qui devrait «faire des événements autour de marques». Et les actionnaires de nous intimer sans ambages : «Il leur appartient de marquer leur adhésion ou non à notre projet.» On croirait entendre : «Parce que c’est notre projet !» Eh bien nous le refusons.
Les lecteurs savent aussi que les Cahiers ont affiché leurs prises de position politiques, qu’ils ne séparent pas de leurs prises de position esthétiques : contre le traitement médiatique des gilets jaunes, contre la nomination de Franck Riester, le pass Culture (piloté par Frédéric Jousset, nouvel actionnaire) ou Parcoursup, bref contre la présidence Macron. Voir apparaître les noms de Rothschild, BFM, Niel, Simoncini pose question : pourrait-on rester aussi libres de nos mouvements ? Arrive tout simplement aux Cahiers ce qui arrive à tous les titres de presse, le rachat par des millionnaires proches du pouvoir, souvent venus des télécoms afin de préparer la transition numérique et le flux des contenus. Personne d’autre ne s’intéresse-t-il au sort de la presse ? Richard Schlagman, le précédent propriétaire, venait de l’édition d’art (Phaidon) et garantissait notre indépendance, nous protégeant de toute influence des milieux parisiens.
https://www.cahiersducinema.com/produit/edito-n764/
... à rapprocher du témoignage de Juan Branco sur la manière dont le pays est entièrement court-circuité au seul profit d'une clique, qui vire tous les gens compétents et honnêtes pour les remplacer par des incompétents qui mentent à tout bout de champ pour le seul profit de cette clique
https://youtu.be/yEtmZKE5jhw
Et de la liste des invités des dîners du siècle que les gilets jaunes ont récemment mis en ligne.
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Conscient que l'édito en question ne restera probablement pas en ligne, compte tenu de tout ce qui arrive en ce moment...
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