Spur, l'éperon, la nouvelle de 1923

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Spur, l'éperon, la nouvelle de 1923

Messagepar Greenheart » Lun 23 Oct 2023 11:58

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Spur 1923
Conte cruel de l’amoralité***

Sorti aux USA en février 1923 dans le magazine mensuel Munsey de New-York US.
Réédité en 1926 dans Who Wants a Green Bottle? and Other Uneasy Tales. De Tod Robbins. Pour adultes et adolescents.

(presse) Dans un petit cirque itinérant en France, le nain Jacques est tombé amoureux de la cavalière à cru de la troupe, Jeanne Marie. Il la demande en mariage et elle accepte, car elle a appris qu'il venait de recevoir un gros héritage. Elle est réellement amoureuse de son partenaire Simon, et elle prévoit de l'épouser après ce qu'elle croit être une mort imminente pour Jacques. Lors du repas de noces, Jeanne Marie, ivre, insulte son nouveau mari en déclarant qu'elle pourrait porter son "petit singe" sur ses épaules d'un bout à l'autre de la France.

***

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Le texte original de Tod Robbins de février 1923 extrait de « Who Wants a Green Bottle? ».
Domaine public.

SPUR

I.

Jacques Courbé was a romanticist. He measured only twenty-eight inches from the soles of his diminutive feet to the crown of his head; but there were times, as he rode into the arena on his gallant charger, St. Eustache, when he felt himself a doughty knight of old about to do battle for his lady.

What matter that St. Eustache was not a gallant charger except in his master’s imagination—not even a pony, indeed, but a large dog of a nondescript breed, with the long snout and upstanding aura of a wolf? What matter that M. Courbé’s entrance was invariably greeted with shouts of derisive laughter and bombardments of banana skins and orange peel? What matter that he had no lady, and that his daring deeds were severely curtailed to a mimicry of the bareback riders who preceded him? What mattered all these things to the tiny man who lived in dreams, and who resolutely closed his shoe-button eyes to the drab realities of life?

The dwarf had no friends among the other freaks in Copo’s Circus. They considered him ill-tempered and egotistical, and he loathed them for their acceptance of things as they were. Imagination was the armour that protected him from the curious glances of a cruel, gaping world, from the stinging lash of ridicule, from the bombardments of banana skins and orange peel. Without it, he must have shriveled up and died. But those others? Ah, they had no armour except their own thick hides! The door that opened on the kingdom of imagination was closed and locked to them; and although they did not wish to open this door, although they did not miss what lay beyond it, they resented and mistrusted any one who possessed the key.

Now it came about, after many humiliating performances in the arena, made palatable only by dreams, that love entered the circus tent and beckoned commandingly to M. Jacques Corbe. In an instant the dwarf was engulfed in a sea of wild, tumultuous passion.

Mlle. Jeanne Marie was a daring bareback rider. It made M. Jacques Courbé’s tiny heart stand still to see her that first night of her appearance in the arena, performing brilliantly on the broad back of her aged mare, Sappho. A tall, blonde woman of the amazon type, she had round eyes of baby blue which held no spark of her avaricious peasant’s soul, carmine lips and cheeks, large white teeth which flashed continually in a smile, and hands which, when doubled up, were nearly the size of the dwarf’s head.

Her partner in the act was Simon Lafleur, the Romeo of the circus tent—a swarthy, herculean young man with bold black eyes and hair that glistened with grease, like the back of Solon, the trained seal.

From the first performance, M. Jacques Courbé loved Mlle. Jeanne Marie. All his tiny body was shaken with longing for her. Her buxom charms, so generously revealed in tights and spangles, made him flush and cast down his eyes. The familiarities allowed to Simon Lafleur, the bodily acrobatic contacts of the two performers, made the dwarf’s blood boil. Mounted on St. Eustache, awaiting his turn at the entrance, he would grind his teeth in impotent rage to see Simon circling round and round the ring, standing proudly on the back of Sappho and holding Mlle. Jeanne Marie in an ecstatic embrace, while she kicked one shapely, bespangled leg skyward.

“Ah, the dog!” M. Jacques Courbé would mutter. “Some day I shall teach this hulking stable boy his place! Ma foi, I will clip his ears for him!”

St. Eustache did not share his master’s admiration for Mlle. Jeanne Marie. From the first he evinced his hearty detestation of her by low growls and a ferocious display of long, sharp fangs. It was little consolation for the dwarf to know that St. Eustache showed still more marked signs of rage when Simon Lafleur approached him. It pined M. Jacques Courbé to think that his gallant charger, his sole companion, his bedfellow, should not also love and admire the splendid giantess who each night risked life and limb before the awed populace. Often, when they were alone together, he would chide St. Eustache on his churlishness.

“Ah, you devil of a dog!” the dwarf would cry. “Why must you always growl and show your ugly teeth when the lovely Jeanne Marie condescends to notice you? Have you no feelings under your tough hide? Cur, she is an angel, and you snarl at her! Do you not remember how I found you, starving puppy in a Paris gutter? And now you must threaten the hand of my princess! So this is you gratitude, great hairy pig!”.

Sources : [url=http://www.olgabaclanova.com/spurs.htmOlga Baclanova.com[/url]

*

La traduction au plus proche

L’EPERON

I.
Jacques Courbé était un romantique. Il ne mesurait que soixante-dix centimètres de la plante de ses petits pieds au sommet de sa tête, mais il y avait des moments, lorsqu'il entrait dans l'arène sur son galant destrier, Saint-Eustache, où il se sentait comme un vaillant chevalier d'autrefois sur le point de livrer bataille pour sa dame.

Qu’importait que Saint-Eustache n'ait été un galant cavalier que dans l'imagination de son maître — pas même un poney, d'ailleurs, mais un gros chien d'une race indéterminée, au long museau et à l'aura de loup ? Qu'importait que l'entrée de M. Courbé n’ait été invariablement saluée par des cris de dérision et des bombardements de peaux de bananes et d'oranges ? Qu'importait qu'il n'ait pas eu de dame et que ses audaces s’en soient réduites à une mimique des cavaliers à cru qui l'avaient précédé ? Qu'importaient toutes ces choses au petit homme qui vivait dans les rêves et qui fermait résolument ses yeux en boutons de chaussures aux mornes réalités de la vie ?

Le nain n'avait pas d'amis parmi les autres monstres du cirque de Copo. Ils le considéraient comme colérique et égoïste, et il les détestait parce qu'ils acceptaient les choses telles qu'elles étaient. L'imagination était l'armure qui le protégeait des regards curieux d'un monde cruel et béant, du fouet cinglant du ridicule, des bombardements de peaux de bananes et d'écorces d'orange. Sans elle, il aurait dû se ratatiner et mourir. Mais les autres ? Ah, ils n'avaient d'autre armure que leurs propres peaux épaisses ! La porte qui s'ouvrait sur le royaume de l'imagination leur était fermée et verrouillée ; et bien qu'ils ne souhaitassent pas ouvrir cette porte, bien qu'ils ne s'attendissent pas à ce qui se trouvait au-delà, ils éprouvaient du ressentiment et de la méfiance à l'égard de quiconque en possédait la clé.

Or, après de nombreuses représentations humiliantes dans l'arène, rendues supportables seulement par les rêves, l'amour entra dans le chapiteau du cirque et fit signe à M. Jacques Corbe. En un instant, le nain fut englouti dans un océan de passion sauvage et tumultueuse.

Mlle Jeanne Marie était une audacieuse écuyère. Le petit cœur de M. Jacques Courbé s'est arrêté en la voyant, le premier soir de son apparition dans l'arène, évoluer brillamment sur le large dos de sa jument âgée, Sappho. Grande femme blonde de type amazone, elle avait des yeux ronds d'un bleu ciel qui ne laissaient rien paraître de son âme de paysanne avaricieuse, des lèvres et des joues carmines, de grandes dents blanches qui éblouissaient continuellement de son sourire, et des mains qui, poing contre poing, avaient presque la taille de la tête d'un nain.

Son partenaire dans le numéro était Simon Lafleur, le Roméo du chapiteau, un jeune homme basané, herculéen, aux yeux noirs et audacieux et aux cheveux noirs luisants de graisse, comme le dos de Solon, le phoque dressé.

Dès la première représentation, M. Jacques Courbé avait aimé Mlle Jeanne Marie. Tout son petit corps frémissait de désir pour elle. Ses charmes plantureux, si généreusement dévoilés dans les collants et les paillettes, le faisaient rougir et baisser les yeux. Les familiarités accordées à Simon Lafleur, les contacts acrobatiques corporels des deux interprètes, faisaient bouillir le sang du nain. Monté sur Saint-Eustache, attendant son tour à l'entrée, il grinçait des dents de rage impuissante en voyant Simon tourner autour du ring, se dresser fièrement sur le dos de Sappho et tenir Mlle Jeanne Marie dans une étreinte extatique, tandis qu'elle donnait des coups de pied dans le ciel avec une jambe bien galbée et couverte de paillettes.

« Ah, le chien ! marmonait M. Jacques Courbé. Un jour, j'apprendrai à ce gros lourd de garçon d'écurie à rester à sa place ! Ma foi, je lui couperai bien les oreilles !"

Saint-Eustache ne partageait pas l'admiration de son maître pour Mlle Jeanne-Marie. Dès le début, il manifesta sa profonde détestation pour elle par des grondements bas et un féroce déploiement de crocs longs et acérés. C’était une maigre consolation pour le nain de savoir que Saint-Eustache montrait des signes de rage encore plus marqués lorsque Simon Lafleur s'approchait de lui. M. Jacques Courbé se désolait à l'idée que son galant, son unique compagnon, son compagnon de lit, n'aimait pas et n'admirait pas la splendide géante qui, chaque soir, risquait sa vie et son corps devant la populace en délire. Souvent, lorsqu'ils étaient seuls ensemble, il réprimandait Saint-Eustache pour sa grossierté.

« Ah, diable de chien ! s'écriait le nain. "Pourquoi dois-tu toujours grogner et montrer tes vilaines dents quand la belle Jeanne Marie condescend à te remarquer ? N'as-tu pas de sentiments sous ta peau dure ? Cur, c'est un ange, et toi, tu lui grognes dessus ! Ne te souviens-tu pas de comment je t'ai trouvé, chiot affamé dans un caniveau de Paris ? Et maintenant, tu dois menacer la main de ma princesse ! C'est donc ça, ta reconnaissance, grand cochon poilu !".

***
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