La fin du monde, le roman-feuilleton de 1894

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La fin du monde, le roman-feuilleton de 1894

Messagepar Greenheart » Dim 12 Nov 2023 12:15

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La fin du monde (1894)

Paru en feuilleton dans La Revue illustrée FR du 22 juin au 10 août 1893 ;
Paru dans le périodique La Science illustrée FR du 2 décembre 1893 au 26 mai 1894 avec des illustrations d'Hermann Vogel,
Paru chez FLAMMARION avec les illustrations de Jean-Paul Laurens, Georges-Antoine Rochegrosse, Émile Bayard, P. Fouché, Frédéric Lix, Marcel Lecoultre, Paul Albert Laurens, C. Julien, Carlos Schwabe, Marin Baldo, Eugène Grasset, Octave Saunier, Paul Merwart, Jacques Wagrez, Hermann Vogel, A. Bach, Octave Guillonnet, Rudaux, Felician Myrbach, Chovin, Albert Robida, Henri Meyerpuis — gravé par Fortuné Méaulle ;
Traduit en anglais en 1894 sous le titre Omega: The Last Days of the World;
Réédité en feuilleton dans Le Bon Journal du 1er août au 17 octobre 1895.
Nombreuses rééditions papier et éditions électroniques, certaines gratuites.

De Camille Flammarion.

Pour adultes et adolescents.

(Prospective, apocalypse, météore) Au 25ème siècle, un astronome annonce qu’un météore frappera et anéantira la Terre et sa civilisation. Dix millions d’années plus tard, une autre civilisation humaine utopique a remplacé la première. Puis enfin viendra véritablement la fin du monde terrestre…

*

Spoiler : :
Je commence à peine à lire ce roman, adapté au cinéma par rien moins d’Abel Gance, le James Cameron d’avant la première guerre mondiale, qui aura vu, une fois n’est pas coutume, son chef-d’œuvre méga-budget massacré au montage par son studio, avec la moitié du film coupé et bien entendu perdu, tout cela pour aboutir à un échec financier retentissant. Le film sera de nouveau massacré par son distributeur américain, pour continuer dans le parallélisme absolu d’un Metropolis de Fritz Lang, d’abord remonté par les nazis, puis massacré par le distributeur américain qui répétait à tout le monde qu’il savait mieux faire un film que Fritz Lang, en réduisant la fresque à une histoire de savant fou sorcier et de robot maléfique. Le montage français serait la version annoncé en blu-ray américain Kino.

Camille Flammarion poursuit ses publications philosophico-astronomique au style littéraire des plus évocateurs et soignés. Il prend le relai des précurseurs français et anglo-saxons, en particulier Jean-Baptiste Cousin de Grainville, Le Dernier Homme 1805 et devance seulement de deux ans La Machine à Explorer le Temps 1895 de H.G. Wells, qui également évoque un voyage vers l’avenir de l’Humanité et le genre de société qui pourrait bien remplacer la civilisation de cette époque.

Gardez bien en tête que l’auteur ignore tout de l’Histoire du 20ème et du début du 21ème siècle et appréciez ses bonds rétro-prospectifs, ainsi que les clichés que nous retrouvons dans absolument tous les films catastrophes ou bandes dessinées mettant en scène un évènement castrophique, météorique ou pas – je pense en particulier au film Déluge de 1933 dont la trame est décalquée dans tous les films et séries modernes, The Walking Dead compris. Le chapitre d’ouverture du roman La fin du Monde et les images entre-aperçues sur Youtube du film d’Abel Gance fleurent bon le début de la bande-dessinée et du serial Flash Gordon, ou l’ouverture de l’album L’étoile Mystérieuse de Tintin, dont la publication commence en Belgique pendant l’Occupation en octobre 1941.

En hommage à son œuvre d’astronome vulgarisateur, Camille Flammarion donne son nom à un cratère lunaire, un cratère martien, un astéroïde, et plusieurs autres astéroïdes sont nommés par rapport aux noms de sa nièce et de sa sœur ainsi que plusieurs de ses œuvres romanesques et la petite ville de Juvisy-sur-Orge où se trouve (trouvait ?) son observatoire astronomique et où il est mort à 83 ans.


*

Le texte original de Camille Flammarion de 1895 pour ERNEST FLAMMARION Libraire-Editeur, Paris.

Je vis ensuite un ciel nouveau et une terre nouvelle; car le pre-mier ciel et la première terre étaient passés.
APOCALYPSE, XXI, I.

PREMIÈRE PARTIE
AU VINGT-CINQUIEME SIECLE. — LES THEORIES.


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Jean-Paul LAURENS.

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CHAPITRE PREMIER

LA MENACE CELESTE

impiaque aeternam timuerunt saecula noctem.*
VIRGILE, Géorgiques, I, 468.
*NDT : et impies redoutèrent l’éternelle les générations nuit = et les générations impies redoutèrent l’éternelle nuit.

Le magnifique pont de marbre qui relie la rue de Rennes à la rue du Louvre et qui, bordé par les statues des savants et des philosophes célèbres, dessine une avenue monumentale conduisant au nouveau portique de l'Institut, était absolument noir de monde. Une foule houleuse roulait, plutôt qu'elle ne marchait, le long des quais, débordant de toutes les rues et se pressant vers le portique envahi depuis longtemps par un flot tumultueux. Jamais, autrefois, avant la constitution des États-Unis d'Europe, à l'époque barbare où la force primait le droit, où le militarisme gouvernait l'humanité et où l'infamie de la guerre broyait sans arrêt l'immense bêtise humaine, jamais, dans les grandes émeutes révolutionnaires ou dans les jours de fièvre qui marquaient les déclarations de guerre, jamais les abords de la Chambre des représentants du peuple ni la place de la Concorde n'avaient présenté pareil spectacle. Ce n'étaient plus des groupes de fanatiques réunis autour d'un drapeau, marchant à quelque conquête du. glaive, suivis de bandes de curieux et de désoeuvrés « allant voir ce qui se passerait » ; c'était la population tout entière, inquiète, agitée, terrifiée, indistinctement composée de toutes les classes de la société, suspendue à la décision d'un oracle, attendant fiévreusement le résultat du calcul qu'un astronome célèbre devait faire connaître ce lundi-là, à trois heures, à la séance de l'Académie des sciences. A travers la transformationpolitique et sociale des hommes et des choses, l'Institut de France durait toujours, tenant encore en Europe la palme des sciences, des lettres et des arts. Le centre de la civilisation s'était toutefois déplacé, et le foyer du progrès brillait alors dans l'Amérique du Nord, sur les bords du lac Michigan.

Nous sommes au vingt-cinquième siècle.

Ce nouveau palais de l'Institut, qui élevait dans les airs ses terrasses et ses dômes, avait été édifié à la fin du vingtième siècle sur les ruines laissées par la grande révolution sociale des anarchistes internationaux qui, en 1950, avaient fait sauter une partie de la grande métropole française, comme une soupape sur un cratère.

La veille, le dimanche, tout Paris, répandu par les boulevards et les places publiques, aurait pu être vu de la nacelle d'un ballon, marchant lentement et comme désespéré, ne s'intéressant plus à rien au monde. Les joyeux aéronefs ne sillonnaient plus l'espace avec leur vivacité habituelle. Les aéroplanes, les aviateurs, les poissons aériens, les oiseaux mécaniques, les hélicoptères électriques, îes machines volantes, tout s'était ralenti, presque arrêté. Les gares aéronautiques élevées au sommet des tours et des édifices étaient vides et solitaires. La vie humaine semblait suspendue dans son cours. L'inquiétude était peinte sur tous les visages. On s'abordait sans se connaître. Et toujours la même question sortait des lèvres pâlies et tremblantes : « C'est donc vrai !... » La plus effroyable épidémie aurait moins terrifié les cœurs que la prédiction astronomique si universellement commentée ; elle aurait fait moins de victimes, car déjà la mortalité commençait à croître par une cause inconnue. A tout moment, chacun se sentait traversé d'un électrique frisson de terreur.

Quelques-uns, voulant paraître plus énergiques, moins alarmés, jetaient parfois une note de doute ou même d'espérance : « On peut se tromper », ou bien « Elle passera à côté », ou encore « Ça ne sera rien, on en sera quitte pour la peur », ou quelques autres palliatifs du même ordre.

Mais l'attente, l'incertitude est souvent plus terrible que la catastrophe même.

*

Ce texte et ses illustrations sont dans le domaine public et intégralement téléchargeable en .pdf gratuit et légal à partir de la page dédiée du site Gallica ici :

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