Metamorphoseon, Les métamorphoses, le poème de l'An 1

Infos et retours sur les romans et nouvelles parus ou à paraître.

Metamorphoseon, Les métamorphoses, le poème de l'An 1

Messagepar Greenheart » Ven 12 Jan 2024 16:53

Image

Metamorphoseon (1)
Traduction : Les métamorphoses.

Sorti à Rome en l’An 1.

De Ovide (Publius Ovidius Naso).

Pour adultes et adolescents

(Poésie de Fantasy satirique) En quinze livres et douze milles vers, la création de l’univers et les exploits comme les mauvais coups des Dieux et Déesses, des rois et reines et des héros de l’Antiquité.

*
Spoiler : :
Les Métamorphoses sont un (excellent) travail de compilation des mythes et légendes, mais (re)tourné par Ovide dans un style populaire pas vraiment respectueux : le poète romain à succès faisait rire et parler l’Empire romain s’attirant d’abord la protection puis la colère de l’Empereur de son époque, Ovide abhorrant les abus d’autorité.

La particularité des Métamorphoses est de ne pas présenter une légende après l’autre, mais de les filer par analogie, c’est-à-dire en rapprochant les transformations qui se succèdent entre les exploits, les tragédies et les comédies, car le ton est à la fois satirique et lyrique. Ne vous attendez pas, par exemple, à pouvoir suivre comme dans Le Choc des titans, l’histoire de Persée du début à la fin, et Persée sauve Andromède avec la tête de la Méduse avant qu’il ne raconte plus tard à un dîner comment il a récupéré cette tête et trompé les gardiennes de la vallée, dont les origines sont racontées ailleurs dans le poème.

Dans la préface, il explique qu’il espèrait par cette somme, rester connu après sa mort, et c’est une mission accompli. Ovide inspire énormément d’auteurs, et sera adapté et réadapté au fil des siècles. Cependant la justesse de sa parole reste aujourd’hui réservée aux héros d’aujourd’hui qui sauraient avec justesse lire et penser en latin : je n’ai encore pas trouvé une seule traduction juste, que ce soit en français ou en anglais, en édition papier ou électronique. Mesurez-vous-même l’écart à partir de ma traduction juxtalinéaire et deux exemples.

Les pires trahisons étant les traductions prétendant respecter la forme en vers originale : d’abord, de la manière dont les traducteurs procèdent, c’est tout simplement impossible, car la poésie latine suppose de respecter la position, la longueur et le rythme accentué des mots latins autant que leur sens et les jeux de mots. Le sens et la progression primant dans tous les cas, il paraît plus facile et surtout moins traître de traduire en prose ou avec des conventions métriques un peu différentes, afin d’obtenir pour les mêmes idées placées au même endroit le même impact à l’oreille et à l’imagination de l’auditeur – car ces textes sont à l’origine déclamés, c’est-à-dire faits pour bouleverser ou faire éclater de rire les spectateurs attablés dans un banquet ou en train de veiller ou encore réunis au théâtre, le tout en musique et possiblement illustrés des numéros de toutes les sortes, comme dans un cabaret.

Pour en avoir traduit seulement quelques paragraphes des Métamorphoses, notamment pour l’Etoile Etrange, ces récits sont formidables, d’une puissance d’évocation à peine effleurée par les trahisons des traductions grand public ou tombées aujourd’hui dans le domaine public. Les Métamorphoses sont un must absolu pour qui aime la Fantasy digne de ce nom.

Noter que la lettre des Métamorphoses contredit la version woke de la légende notamment confortée par la page wikipédia français avec une note qui renvoie précisément à l’extrait ci-après — selon laquelle Méduse aurait été violée par Poseidon. Coucher hors mariage est considéré dans l’Antiquité (et en fait de tous temps) pour un homme comme pour une femme comme une souillure et le mot prostitué signifie putride d’abord à cause de la fréquence des maladies sexuellements transmissibles qui frappent ceux qui couchent avec n’importe qui ou effectivement sont violés, par un homme ou par une femme, ce qui est le seul moyen pour ceux-ci de se reproduire malgré les symptôles de la maladie souvent apparente à l’époque.

C’est Minerve qui punit Méduse d’avoir fait crac crac dans son temple, et la punition est spécifiquement imaginée par Minerve pour l’avoir fait avec Poseidon. Si les dieux séduisent ou forcent leurs amants et amantes, il faut bien se rappeler que les dieux ont le même statut social que les richissimes et rois et reines d’aujourd’hui : et ceux-là ont tous des enfants hors mariage, parce que c’est un bon levier pour une femme pour assurer sa prospérité en utilisant son enfant comme source de revenu et otage. Et c’est aussi un risque certain de se faire suicider.

Autrement dit, Méduse n’est pas un monstre fabriqué par Poseidon mais bien par une femme (jalouse) qui fait d’une pierre trois coups en privant Méduse de sa chevelure avec laquelle elle séduisait tous les hommes, et en rendrant impossible de la contempler sans être changé en statue. Une autre version antique de la légende évoque également un rapport sexuel consensuel entre Méduse et Poséidon dans une « prairie verdoyante ».

Bien sûr, il ne faut pas se baser sur les réécritures postérieures – médiévale ou moderne qui reprendront les éléments de la légende à la sauce qui arrange les auteurs à cette époque, mais il ne s’agit plus du personnage mythologique « canon » des auteurs l’ayant raconté, pillés sans les créditer encore et encore. L’avantage de lire les Métamorphoses est qu’il s’agit d’un tout, beaucoup plus détaillé qu’on se l’imagine. Juste encore très mal traduit aujourd’hui.


*

Le texte de OVIDE du 1er siècle après Jésus Christ, traduit au plus proche ligne à ligne.

(Persée, fils de Jupiter et de la mortelle Danae est envoyé tuer Méduse par le roi Polydecte qui l’avait recueilli avec sa mère Danae, que Polydecte veut épouser. Persée doit ramener la tête de Méduse pour en faire cadeau à Athéna afin qu’elle approuve le mariage de sa mère avec le roi Polydecte. Sa quête est approuvée et aidé par les dieux, en particulier Athéna, Hermes et Hades)

LIBER IV
Livre 4

POSTQVAM EPVLIS FVNCTI GENEROSI MVNERE BACCHI
Après par les victuailles et par le don consommé du généreux Bacchus

DIFFVDERE ANIMOS, CVLTVSQVE GENVSQVE LOCORVM
Ils effusèrent leurs âmes, et des religions, et des lignées en ces lieux

QVAERIT LYNCIDES MORESQVE ANIMVMQVE VIRORVM;
Lyncides (noble descendant de l’Argonaute) s’enquit, des mœurs et de la valeur des hommes

QVI SIMVL EDOCVIT, 'NVNC, O FORTISSIME,' DIXIT
Lui qui de même éduquait (Persée) ; « à présent, ô fortissime, dit-il,

'FARE, PRECOR, PERSEV, QVANTA VIRTVTE QVIBVSQVE
Raconte, je t’en prie, Persée, par quelle vertue et quels

ARTIBVS ABSTVLERIS CRINITA DRACONIBVS ORA!'
Artifices tu as arraché les gueules en chevelures de serpents !

NARRAT AGENORIDES GELIDO SVB ATLANTE IACENTEM
Le descendant d’Agenor (Persée) narra que, gisant gelé sous l’Atlas,

ESSE LOCVM SOLIDAE TVTVM MVNIMINE MOLIS;
Il y avait un lieu abrité défendu par une pierre à meuler solide ;

CVJVS IN INTROITV GEMINAS HABITASSE SORORES
En lequel à l’entrée des sœurs jumelles habitaient

PHORCIDAS VNIVS PARTITAS LVMINIS VSVM;
les Phorcides ont été imparties de l’usage d’une seule longue-vue.

ID SE SOLLERTI FVRTIM, DVM TRADITVR, ASTV
[i]Tandis qu’avec adresse, furtivement échangée entre elles,


SVPPOSITA CEPISSE MANV PERQVE ABDITA LONGE
Avec astuce d’une main par-dessous, il (Persée) emportait au loin

DEVIAQVE ET SILVIS HORRENTIA SAXA FRAGOSIS
par des chemins détournés et les bois accidentés hérissés de rochers.

GORGONEAS TETIGISSE DOMOS PASSIMQVE PER AGROS
Des Gorgones d’atteindre la demeure ça et là par les champs,

PERQVE VIAS VIDISSE HOMINVM SIMVLACRA FERARVMQVE
Et par les routes, de voir des statues d’hommes et les bêtes

IN SILICEM EX IPSIS VISA CONVERSA MEDVSA.
En pierre après ceux-là transformés par la vision de la Méduse.

SE TAMEN HORRENDAE CLIPEI, QVEM LAEVA GEREBAT,
Cependant les horreurs du bouclier qu’à sa main droite lui portait,

AERE REPERCVSSO FORMAM ADSPEXISSE MEDVSAE,
Dans l’airain reflété de la forme de la Méduse ayant contemplé,

DVMQVE GRAVIS SOMNVS COLVBRASQVE IPSAMQVE TENEBAT,
Et alors qu’un sommeil lourd la tenait elle et ses couleuvres

ERIPVISSE CAPVT COLLO; PENNISQVE FVGACEM
De séparer sa tête de son cou ; et avec leurs ailes le fugace

PEGASON ET FRATREM MATRIS DE SANGVINE NATOS.
Pégase et son frère étaient nés du sang de cette mère (ils sont supposés fils de Poséidon, et Médusa décapitée accouche d’eux)

*

ADDIDIT ET LONGI NON FALSA PERICVLA CVRSVS,
(Persée) énuméra et les dangers bien réels de sa longue course,

QVAE FRETA, QVAS TERRAS SVB SE VIDISSET AB ALTO
Quels mers étroites, quelles terres sous lui il aurait vu de haut

ET QVAE JACTATIS TETIGISSET SIDERA PENNIS;
Et dans quelles constellations il se serait inscrit, porté par les ailes (de Pégase) ;

ANTE EXSPECTATVM TACVIT TAMEN. EXCIPIT VNVS
Il se tut, dans l’attente. L’un osa,

EX NVMERO PROCERVM QVAERENS, CVR SOLA SORORVM
Au nombre des princes, demandant pourquoi une seule des sœurs (Gorgones, filles de monstres marins)

GESSERIT ALTERNIS INMIXTOS CRINIBVS ANGVES.
aurait porté des serpents agglutinés, différente de leurs autres coiffures.

HOSPES AIT: 'QVONIAM SCITARIS DIGNA RELATV,
L’invité d’honneur (Persée) répondit : « vu que ce qui te préoccupe est digne d’être rapporté

ACCIPE QVAESITI CAVSAM. CLARISSIMA FORMA
Accepte la réponse. Tout à fait resplendissante de forme

MVLTORVMQVE FVIT SPES INVIDIOSA PROCORVM
elle fut l’espoir jaloux d’une multitude de courtisans.

ILLA, NEC IN TOTA CONSPECTIOR VLLA CAPILLIS
De son corps entier aucune plus remarquée sinon ses cheveux

PARS FVIT: INVENI, QVI SE VIDISSE REFERRET.
part se trouvait : j’ai rencontré quelqu’un qui racontait l’avoir vue.

HANC PELAGI RECTOR TEMPLO VITIASSE MINERVAE
Le maître de la mer l’aurait déflorée dans le temple de Minerve

DICITVR: AVERSA EST ET CASTOS AEGIDE VVLTVS
Dit-on : Minerve se détourna et se cacha le visage de son bouclier.

NATA IOVIS TEXIT, NEVE HOC INPVNE FVISSET,
La fille née de Jupiter enchanta, afin que l’acte ne soit pas impuni,

GORGONEVM CRINEM TVRPES MVTAVIT IN HYDROS.
La chevelure de la Gorgone, la changea en d’infâmes serpents marins.

NVNC QVOQVE, VT ATTONITOS FORMIDINE TERREAT HOSTES,
Et à présent encore, pour terrifier ses ennemis tétanisés par la menace

PECTORE IN ADVERSO, QVOS FECIT, SVSTINET ANGVES.'
Sur sa cuirasse au combat, il (Persée) porte dressé les serpents que Minerve fit.

*

Traduction en vers par Desaintange de 1808 pour DESRAY FR.

XX. Les Gorgones.

QUAND on fit succéder aux plaisir des la table
La douce liberté d’un entretien aimable,
Le fils de Danaë, sagement curieux ;
Veut conoître les mœurs, les usges des lieux.
Lyncide, interrogé par ce noble convive,
Captive, en l’instruisant, son oreille attentive.
Mais, ô vous ! reprit-il, Persée, apprenez-nous
Par quels secours puissans, quels prodiges, quels coups,
Votre bras de Méduse a pu trancher la tête,
Et remporter dans l’air cette horrible conquête ?

Sous les flancs de l’Atlas, il est, dit le héros,
Un lieu toujours glacé, de longs rochers enclos.
Nul ne peut aborder cette froide contrée.
Deux filles de Phorcus en défendent l’entrée.
Le destin leur donna, pour veiller à l’entour,
Un seul œil que ces sœurs se prêtent tour-à-tour.
Je sus, en épiant ces deux sœurs sentinelles,
Enlever de leurs mains cet œil commun entr’elles.

Je marche dans des lieux sans cesse entrecoupés
De bois en précipice, et de rocs escarpés.
Par-tout dans ces forêts par l’aquilon battues,
Quadrupèdes, humains transformés en statues,
Des regards de Méduse attestent les effets.

De la Gorgone enfin j’aborde le palais.
Je vis impunément son visage homicide
Réfléchi sur l’airain de l’immortelle égide.
Tandis qu’un lourd sommeil engourdit tous ses sens,
Je tranche d’un seul coup sa tête et ses serpens.
Pégase, de son sang né soudain à ma vie,
Coursier au dos ailé, s’envole dans la nue.

Il leur apprend encore à travers quels dangers
Il voyagea dans l’air sous des cieux étrangers,
Quels astres il a vus du couchant à l’aurore :
Il avait achevé, qu’on l’écoutait encore.
On demande d’où vient que les serpens hideux
D’une seule Gorgone entouraient les cheveux.
Cette histoire, dit-il, que vus voulez entendre,
Mérite qu’on lécoute, et je vais vous l’apprendre.

*

XXI. Cheveux de Méduse changés en serpens.

ESPOIR de mille amans, jadis le croiriez-vous ?
Méduse posséda les charmes les plus doux.
On admiroit sur-tout sa belle chevelure,
Des graces de son front séduisante parure.
Neptune qui la vit, épris de ses appas,
Osa les profaner au temple de Pallas.
La déesse, à l’abri de l’égide céleste,
Couvrit en rougissant son visage modeste ;
Et vengant ses autels par Médue souillés,
Hérissa ses cheveux d’hydres entortillés.
De ce monstre créé pour imprimer la crainte,
Depuis sur son égide elle a gravé l’empreinte.

Ce texte appartient au Domaine public, et est téléchargeable intégralement, gratuitement et légalement en .pdf ici avec l’original latin donné en vis à vis :


*

Traduction en prose de Joseph Chamonard de 1966 pour GARNIER FRERES FR.

Quand, le repas achevé, les cœurs de convives s’épanouirent sous l’influence des généreux présents de Bacchus, le descendant d’Abas s’informe du degré de civilisation, du caractère du pays. Répondant à ses questions, l’un des convives fait au petit-fils de Lyncée un tableau des mœurs et de l’esprit de ses habitants. Après l’avoir ainsi instruit : « Et maintenant, ô courageux héros, dis-nous, je t’en prie, Persée, par quel prodige de valeur et par quels moyens tu as pu t’emparer de cette tête à chevelure de serpents. »

Le petit-fis d’Agenor raconte alors qu’au pied de l’Atlas, lieu à l’entrée duquel habitaient deux sœurs, les filles de Phorcys, qui se partageaient l’usage d’un œil unique. A la dérobée, grâce à une ruse habile, au moment où l’une le transmettait à l’autre, substituant sa main à la main tendue, il s’en était emparé. Puis, par des sentiers cachés et des routes détournées, à travers des rochers hérissés de forêts escarpées, il avait atteint la demeure des Gorgones ; ça et là, à travers les champs et sur les routes, il avait vu des figures d’hommes et de bêtes féroces qui avaient été, perdant leur forme première, pétrifiés pour avoir vu Méduse.

Lui-même, cependant, dans le miroir de bronze le hideux personnage de Méduse. Profitant d’un lourd sommeil qui s’était emparé d’elle et de ses serpents, il lui avait détaché la tête du cou ; Pégase, à la course ailée, et son frère étaient nés du sang de cette mère. Persée ajouta le récit de son long et vraiment périlleux voyage ; il dit quelles mers, quelles terres il avait vues au-dessous de lui du haut des airs, et quels astres il avait frôlés du battement de ses ailes. Décevant l’attente des auditeurs, il se tut cependant.

Prenant alors la parole, l’un des nobles lui demande pourquoi, seule parmi ses sœurs, Méduse portait des serpents entremêlés au milieu de ses cheveux. L’hôte répondit : « Le fait dont tu t’informes là mérite d’être rapporté ; apprends-en donc la cause, puisque tu la demandes. D’une éclatante beauté, Méduse avait fait naître les espoirs jaloux de nombreux prétendants, et dans toute sa personne, il n’y avait rien qui attirât plus les regards que ses cheveux. J’ai rencontré un homme qui racontait l’avoir vue. Le maître de la mer la viola, dit-on, dans le temple de Minerve. La fille de Jupiter détourna sa vue et couvrit de son égide son chaste visage. Et, pour que cet attentat ne demeurât pas impuni, elle changea les cheveux de la Gorgone en hideux serpents. Aujourd’hui encore, pour frapper de terreur ses ennemis épouvantés, elle porte, sur le devant de sa poitrine, les serpents nés par sa volonté.

*

Traduction en prose de Olivier Sers de 2009 pour LES BELLES LETTRES FR.

Au dessert, quand les dons du généreux Bacchus
Ont épanoui les cœurs, l’Abatiade à ses hôtes
Demande qui habite et quel est ce pays.
L’un d’entre eux aussitôt dit ses mœurs et coutumes,
Et pourquit : Maintenant, grand héros intrépide,
Dis-nous, Persée, par quels exploits et artifices
Tu conquis cette tête à cheveux de serpents.

Persée répond qu’au pied des glaces de l’Atlas
Est un lieu fortifié d’un rempart de rochers,
Qu’à son entrée vivaient deux sœurs nées de Phorcus,
N’ayant qu’un œil pour deux qu’elles se repassaient,
Qu’il subtilisa l’oeil glissant sa main entre elles,

Puis s’enfuyant au loin par des sentiers perdus
A travers des rochers hérissés de maquis,
Parvint chez la Gorgone. En route et dans les champs
Se profilaient, épars, des hommes et des bêtes
Pétrifiés à la vue de Méduse. Au miroir
Du bouclier d’airain qu’il tenait en main gauche
Il put voir sa hideur. Pendant qu’un lourd sommeil
Les tenait endormies ses couleuvres et elle,
Il lui coupa la tête, et de son sang naquirent
Pégase au vol rapide et sa si longue course,
Les terres et les mers qu’il vit sous lui du ciel,
Et les astres frôlés par ses ailes battantes.

On veut qu’il continue. Il se tait. L’un des grands
Lui demande pourquoi, seule entre plusieurs sœurs,
Méduse eut des serpents mêlés à ses cheveux.
Ta question, répond l’hôte, est digne de réponse,
Apprends-en la raison. Pour sa beauté insigne
De nombreux prétendants jaloux la disputaient.
Rien plus que ses cheveux ne fut d’elle admiré.
J’en sus un qui disait les avoir vus. Neptune
La souilla, narre-t-on, au temple de Minerve.
La déesse offusquée vila de son égide
Sa chaste face, et pour punir cet attentat
En hydres transforma les crins de la Gorgone,
Et ces serpents nés d’elle encor la barricadent
Frappant ses ennemis d’horreur et d’épouvante.

*

Traduction partielle en prose de Georges Charpak ? du 18 mars 2021 pour le blog Learning Georges.

« Maintenant, ô très-vaillant Persée, dit-il,
apprenez-nous, je vous en prie, avec combien de courage, et par quelles techniques vous avez pu trancher cette tête coiffée de serpents.
— Sous le froid Atlas, dit le descendant d’Agénor, il se trouve un lieu protégé et fortifié par un rocher massif. L’entrée en est habitée par les deux filles de Phorcus, qui se partagent l’usage d’un œil unique. Tandis que l’une le mettait à l’autre, je substitue furtivement ma main à la main qui allait le prendre, et je le saisis. Alors je parcours des chemins cachés au loin et à l’écart des routes, je franchis des roches hérissées dans de rocailleuses forêts, et j’arrive au palais des Gorgones. J’avais aperçu partout, dans les champs, et sur ma route, des statues d’hommes et de bêtes, transformés en pierre à la vue de Méduse. Le visage de l’effroyable Méduse, je l’avais seulement vu moi-même réfléchi sur l’airain de mon bouclier, que je portais de la main gauche ; et tandis que le sommeil la tenait, elle et ses couleuvres, j’arrachai sa tête de son cou. Le rapide Pégase, avec ses ailes, et son frère Chrysaor, naquirent du sang de leur mère. » Il leur apprend ensuite les dangers qui l’ont menacé dans ses voyages; il leur dit quelles mers, quelles terres il a vues du haut des airs; vers quels astres ses ailes l’ont emporté.

Il se tait enfin, on l’écoutait encore.
Un des grands personnages présents objecte et demande pourquoi, seule de ses sœurs, Méduse portait des serpents entremêlés à ses autres cheveux.

L’invité dit : « Puisque tu demandes quelque chose digne d’un récit, écoute la réponse à ta question. Sa beauté fut la plus éclatante et elle fut l’objet des espoirs jaloux de nombreux prétendants ; et sur son corps tout entier, en aucune partie ses cheveux n’étaient plus étonnants : j’ai connu des personnes qui m’ont raconté leur rencontre avec elle. On dit que le maître de la mer la déshonora dans le temple de Minerve : la fille de Jupiter se détourna et cacha ses yeux purs sous son égide. Et pour que cet acte ne soit pas impuni, elle changea les cheveux de Méduse en serpents dégoûtants.
Maintenant même, pour terrifier ses ennemis et les frapper d’effroi,
elle porte sur sa poitrine, face à son adversaire, les serpents qu’elle a créés. »

***
...d'un G qui veut dire Greenheart !
Greenheart
Administrateur du site
 
Messages: 10970
Inscription: Sam 15 Nov 2014 19:56

Retourner vers Romans et nouvelles

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 21 invités