Le lien maléfique, le roman de 1990

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Le lien maléfique, le roman de 1990

Messagepar Greenheart » Ven 26 Jan 2024 12:40

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The Witching Hour (1990)

Titre français : Le lien maléfique.
Traduction du titre anglais : l’heure envoûtante.

Sorti aux USA en novembre 1990 chez Alfred A. Knopf.
Traduit en français par Annick Granger de Scriba chez ROBERT LAFFONT en novembre 1992,
réédité en poche chez POCKET TERREUR en juin 1994, en juin 1996,
réédité en poche chez POCKET juin 2000, septembre 2001,
réédité en poche chez FLEUVE NOIR en aôut 2004,
réédité en poche chez POCKET le 25 octobre 2012.

De Anne Rice.

Pour adultes et adolescents.

(presse, fantastique, sorcières) Le Dr Rowan Mayfair est un neurochirurgien talentueux de San Francisco, en Californie. Lorsque sa mère biologique, Deirdre Mayfair, décède à la Nouvelle-Orléans, elle commence à découvrir la vieille famille du Sud à laquelle elle appartient. Michael Curry est un entrepreneur spécialisé dans la restauration de vieilles maisons. Il rêve de son enfance à la Nouvelle-Orléans et souhaite ardemment y retourner. Rowan réalise peu à peu qu'elle a le pouvoir psychique de sauver ou de prendre des vies. Michael se noie mais elle le ranime, l'expérience de mort imminente ayant déclenché en lui une nouvelle capacité de voyance non désirée. Michael et Rowan tombent amoureux, et lorsqu'il décide de retourner à la Nouvelle-Orléans, elle le suit pour apprendre les secrets de son passé. Aaron Lightner, un érudit psychique et membre des Talamasca, a étudié les Mayfairs de loin pendant des décennies. La famille matriarcale - connue par les Talamasca sous le nom de "sorcières de Mayfair" - a une longue et sordide histoire…

*

Spoiler : :
Suite à la perte de sa fille, la romancière Anne Rice s’est investie corps et âme dans la romance surnaturelle. Comme Tolkien a établi à quoi devait ressembler un roman de High Fantasy et n’a cessé depuis d’être pastiché avec moins de talent plutôt que plus, Anne Rice a établi les règles de la romance fantastique, et a été de la même pastichée en forçant la dose de l’érotisme, jusqu’à la dégénération en fan-fictions à succès. Anne Rice, comme Tolkien mais dans un registre différent, tient bon la corde d’un style recherché et évocateur, et même poignant, car elle appartient à une génération d’auteurs qui avaient encore des lettres et qu’elle le devait à ses personnages. Plus elle habite littéralement la Nouvelle Orléans où elle situe de préférence l’action de ses romans.

L’adaptation du Lien Maléfique arrive après sa mort et après le massacre woke télévisuel de l’adaptation d’Entretien avec un Vampire, il apparaît donc salutaire de revenir à la lettre de ses romans avant de s’exposer à un nouveau massacre. Cependant, il semblerait que la traduction française tiendrait davantage d’un genre de condensé du récit original que d’une traduction digne de ce nom. C’est donc en anglais ou possiblement en copiant-collant votre édition électronique dans un traducteur d’un niveau relativement bon comme Deepl, que vous y retrouverez peut-être vos cochons, si vous me passez l’expression. De ce que j’ai pu en apercevoir, le premier chapitre du Lien Maléfique (The Mayfair Witches : The Witching Hour) n’a rien de woke. C’est un récit fantastique classique dans la lignée de Bram Stocker et Frankenstein, dans le style de la seconde partie du 20ème siècle : clair, structuré, évocateur. J’attendrais d’en avoir lu davantage en anglais dans le texte, mais ma première impression est très bonne.

*

Le texte original américain de Anne Rice publié en 1968.

One

THE DOCTOR WOKE up afraid. He had been dreaming of the old house in New Orleans again. He had seen the woman in the rocker. He’d seen the man with the brown eyes.
And even now in this quiet hotel room above New York City he felt the old alarming disorientation. He’d been talking again with the brown-eyed man. Yes, help her. No, this is just a dream. I want to get out of it.

The doctor sat up in bed. No sound but the faint roar of the air conditioner. Why was he thinking about it tonight in a hotel room in the Parker Meridien? For a moment he couldn’t shake the feeling of the old house. He saw the woman again—her bent head, her vacant stare. He could almost hear the hum of the insects against the screens of the old porch. And the brown-eyed man was speaking without moving his lips. A waxen dummy infused with life—
No. Stop it.

He got out of bed and padded silently across the carpeted floor until he stood in front of the sheer white curtains, peering out at black sooty rooftops and dim neon signs flickering against brick walls. The early morning light showed behind the clouds above the dull concrete facade opposite. No debilitating heat here. No drowsing scent of roses, of gardenias.
Gradually his head cleared.

He thought of the Englishman at the bar in the lobby again. That’s what had brought it all back—the Englishman remarking to the bartender that he’d just come from New Orleans, and that certainly was a haunted city. The Englishman, an affable man, a true Old World gentleman it seemed, in a narrow seersucker suit with a gold watch chain fixed to his vest pocket. Where did one see that kind of man these days?—a man with the sharp melodious inflection of a British stage actor, and brilliant, ageless blue eyes.

The doctor had turned to him and said: “Yes, you’re right about New Orleans, you certainly are. I saw a ghost myself in New Orleans, and not very long ago—” Then he had stopped, embarrassed. He had stared at the melted bourbon before him, the sharp refraction of light in the base of the crystal glass.
Hum of flies in summer; smell of medicine. That much Thorazine? Could there be some mistake?

But the Englishman had been respectfully curious. He’d invited the doctor to join him for dinner, said he collected such tales. For a moment, the doctor had been tempted. There was a lull in the convention, and he liked this man, felt an immediate trust in him. And the lobby of the Parker Meridien was a nice cheerful place, full of light, movement, people. So far away from that gloomy New Orleans corner, from the sad old city festering with secrets in its perpetual Caribbean heat.
But the doctor could not tell that story.

“If ever you change your mind, do call me,” the Englishman had said. “My name is Aaron Lightner.” He’d given the doctor a card with the name of an organization inscribed on it: “You might say we collect ghost stories—true ones, that is.”

THE TALAMASCA
We watch
And we are always here.


*
La traduction au plus proche.

Un

LE DOCTEUR S’EVEILLA, effrayé. Il avait encore rêvé de la vieille maison de la Nouvelle-Orléans. Il avait vu la femme dans le fauteuil à bascule. Il avait vu l'homme aux yeux marrons.
Et même maintenant, dans cette chambre d'hôtel tranquille au-dessus de New York, il ressentait la même désorientation inquiétante. Il avait encore parlé avec l'homme aux yeux marrons. Oui, aidez-la. Non, c'est juste un rêve. Je veux en sortir.

Le docteur s’asseya dans le lit. Aucun bruit à part le faible vrombissement du climatiseur. Pourquoi y pensait-il ce soir dans une chambre d'hôtel du Parker Meridien ? Pendant un instant, il n'a pas pu se débarrasser de l'impression laissée par la vieille maison. Il revit la femme — sa tête penchée, son regard vide. Il pouvait presque entendre le bourdonnement des insectes contre les grilles du vieux porche. Et l'homme aux yeux marrons parlait sans bouger les lèvres. Un mannequin de cire imprégné de vie...
Non. Arrête.

Il sortit du lit et marcha silencieusement traversant le tapis jusqu'à ce qu'il se tienne devant les rideaux blancs transparents, regardant les toits noirs de suie et les enseignes au néon qui clignotaient sur les murs de briques. La lumière du petit matin transparaissait derrière les nuages au-dessus de la façade en béton terne d'en face. Pas de chaleur débilitante ici. Pas de parfum de roses ou de gardénias.
Petit à petit, sa tête s’éclaircissait.

Il repensa à l'Anglais au bar du hall. C'est ce qui lui avait rappelé tout cela, l'Anglais faisant remarquer au barman qu'il venait de la Nouvelle-Orléans et que c'était certainement une ville hantée. L'Anglais, un homme affable, un vrai gentleman de l'Ancien Monde semblait-il, dans un costume étriqué de crépon de coton avec une chaîne de montre en or fixée à la poche de son gilet. Où voyait-on ce genre d'homme de nos jours ? un homme avec l'inflexion mélodieuse d'un acteur de théâtre britannique, et des yeux bleus brillants, sans âge.

Le docteur s'était tourné vers lui et avait dit : « Oui, vous avez raison au sujet de la Nouvelle-Orléans, vous avez certainement raison. J'ai moi-même vu un fantôme à la Nouvelle-Orléans, et il n'y a pas très longtemps... » Puis il s'était arrêté, embarrassé. Il avait fixé le bourbon liquide devant lui, la réfraction aiguë de la lumière dans le fond du verre de cristal.
Le bourdonnement des mouches en été ; l'odeur des médicaments. Un tel dosage de Thorazine ? Pourrait-il y avoir erreur ?

Mais l'Anglais avait été respectueusement curieux. Il avait invité le docteur à se joindre à lui pour le dîner, disant qu'il collectionnait ce genre d’anecdotes. Pendant un moment, le docteur avait été tenté. Il y avait une accalmie dans la convention, et il aimait cet homme, il ressentait une confiance immédiate en lui. Et le hall du Parker Meridien était un endroit agréable et gai, plein de lumière, de mouvement, de gens. Si loin de ce coin lugubre de la Nouvelle-Orléans, de cette vieille ville triste et pleine de secrets dans sa chaleur perpétuelle des Caraïbes.
Mais le docteur ne pouvait pas raconter cette histoire-là.

« Si jamais vous changez d'avis, appelez-moi, avait dit l'Anglais. Mon nom est Aaron Lightner. » Il donna au docteur une carte sur laquelle était inscrit le nom d'une organisation : « On peut dire que nous collectionnons les histoires de fantômes — les vraies, bien sûr. »

LE TALAMASCA
Nous veillons
Et nous sommes toujours là.


*

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La traduction de Annick GRANGER DE SCRIBA de 1992 pour ROBERT LAFFONT, POCKET et FLEUVE NOIR.
Attention, faute d’avoir pu retrouvé mon exemplaire à temps, ce qui suit est la transcription d’une lecture à haute voix.

1

Le médecin se réveilla, glacé d’effroi. Il avait à nouveau rêvé de la maison de La Nouvelle-Orléans. Il avait revu la femme dans son fauteuil à bascule. Il avait revu l'homme aux yeux marrons.
Malgré la quiétude de sa chambre du Parker Méridien près de New York, une fois encore il se sentait mal à l'aise. L'homme aux yeux marrons lui avait répété d'aider la femme.
il se redressa dans son lit. Mais pourquoi diable repensait-il à tout cela ? La vieille maison le hantait. Il revit la femme — tête baissée, le regard vide. Il entendait presque le bourdonnement des insectes contre la porte moustiquaire du porche et l'homme aux yeux marrons qui parlait sans remuer les lèvres. Un mannequin de cire pourvu de vie.
Non, ça suffit ! se dit-il, sortant du lit. Il s'approcha des rideaux blancs immaculés et regarda dehors. Des toit sombres, des néons clignotants se reflétant contre les murs de briques. La lumière de l’aube pointait derrière les nuages au-dessus de la façade de béton en face de lui. Aucune trace de chaleur étouffante. Aucun arôme étourdissant de rose et de gardénia.
Son esprit s'éclaircissait peu à peu.
Il repensa à l'Anglais rencontré au bar de l'hôtel. Tout avait commencé par là. L'homme avait confié au barman qu'il arrivait de la Nouvelle-Orléans, et que cette ville était de toute évidence hantée. Cet anglais, affable, avait tout à fait l'air d'un gentleman d'antan avec son costume étriqué en seersucker, et sa montre de gousset en or fixée à son gilet. C'était un personnage d'un autre temps.
Le docteur s'était tourné vers lui : « Vous avez parfaitement raison. J'ai vu moi-même un fantôme à la Nouvelle Orléans, il n’y a pas très longtemps. » Il s'était interrompu, gêné, et avait fixé son verre de bourbon.
L'anglais avait montré une certaine curiosité et l’avait invité à dîner en invoquant l'argument qu'il collectait ce genre d'histoires. Le docteur avait été tenté d'accepter : il était libre pour la soirée et il aimait bien cet homme. Il s'était tout de suite senti en confiance. Le bar du Parker méridien était un endroit agréable plein de lumière, de mouvement, de gens. Il était si loin de ce coin lugubre de la Nouvelle-Orléans, de cette vieille et triste maison, et sa chaleur pesante.
Mais il se sentait incapable de raconter son histoire.
« Si vous changez d'avis, appelez-moi, dit-il. Je m’appelle Aaron Lightner. » Il avait tendu au docteur une carte portant le nom d'un organisme. « Disons que nous recueillons ce genre d'histoire de fantômes. Les vraies, j’entends. »

THE TALAMASCA
Nous observons
et nous sommes toujours là


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