Le robot qui me ressemblait, la nouvelle de 1973

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Le robot qui me ressemblait, la nouvelle de 1973

Messagepar Greenheart » Mer 31 Jan 2024 17:09

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The Robot Who Looked Like Me (1973)

Paru en 1973 aux USA dans le magazine Cosmopolitan (la couverture en illustration est seulement représentative et partiellement restaurée).
Compilé en 1978 dans le recueil de nouvelles éponyme chez SPHERE BOOKS US.
Traduit en français en mai 1980, par Maud Perrin en grand format chez ROBERT LAFFONT (Ailleurs et Demain) ;
Réédité en 1984, réédité en poche en mai 1987 chez J’AI LU.
Adapté en film : Robots 2023.

Par Robert Sheckley.

Pour adultes et adolescents.

(Comédie prospective, presse) Charles souhaite se marier. Mais il apprend de la part d'un entremetteur dont c'est le métier qu'il doit « faire la cour » à la jeune femme, Elaine, qu'il envisage d'épouser. Comme il n'a pas de temps à perdre pour ces balivernes, il se fait confectionner un robot qui lui ressemble parfaitement, et qu'il envoie à sa place pour séduire la belle…

*

Spoiler : :
La nouvelle est excellente. Si l’intrigue principale est conservée dans l'adaptation filmée, le propos, les héros et la société sont (très) différents. Robots 2023, le film, est une satire utopique de notre présent à travers le fait que les personnages utilisent leurs robots pour faire davantage ce qui leur plaît, et perdent leur humanité avec les compétences et les liens sociaux qu’ils négligent. Le lieu et le temps du film est le futur immédiat, avec la question des migrants résolue mais jamais élucidée. Il y a bien une altération compatible woke des personnages mais le film se sauve par une analyse fine des caractères qui ne revient pas à inciter à la haine des hommes ou qui ne fait pas des femmes des Mary Sue et leur trouve autant de défauts qu’aux hommes.

Le lieu et le temps de la nouvelle est une utopie mais interstellaire : les gens n’ont pas vraiment changé mais la civilisation se développe au lieu de se replier à tout point de vue. Le propos de la nouvelle n’est pas comment la négligence, la paresse ou l’avidité nous rend inadaptés et nous fait perdre du bonheur potentiel ou le sens de ce qu’est le bonheur ou de nos potentiels — ce qui est juste — mais comment des humains censés réussir leur vie se robotisent dans leur tête et dans leur vie, au point que lorsqu’après leur mariage, le couple se met à douter qu’ils soient vraiment les humains de l’histoire, et que les vrais ne se soient pas enfuits pour leur abandonner une vie inhumaine. C’est aussi très pertinent, puisque la métaphore de l’exploitation à laquelle tout être humain ou animal de la planète est systématiquement réduit par les élites au fur et à mesure qu’elles gagnent du pouvoir.

La nouvelle de Sheckley est donc excellente, comme à ma connaissance presque toujours dans le cas de cet auteur, mais elle est très courte, et il faut donc reconnaître à Anthony Hines et Casper Christensen, les co-réalisateurs et co-scéanaristes un authentique travail de reconstruction d’un univers et des personnages adapté au budget du film et à notre présent de 2023, et un développement tout à fait honorable des intrigues et de l’action qui n’existaient pas dans la nouvelle, car il peut aussi arriver qu’une nouvelle contienne de quoi tourner un long-métrage, voire une très longue série. Ce n’était pas le cas du Robot qui me ressemblait, aux germes bien sûr parfaits, pour inspirer une comédie comme Robots, mais bien d’autres adaptations assurément dans n’importe quel genre.


*

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Le texte original de Robert Sheckley de 1978, pour SPHERE BOOKS US.

Snaithe’s Robotorama is an un prepossessing shop on Boulevard KB22 near the Uhuru Cutoff in Greater Newark.It is sandwiched between an oxygenator fatory and a protein store? The storefront display is what you would experct — three full-size humanoid robots with frozen smiles, dressed occupationally—Model PB2, the French Chef, Model LR3, the Britsh Nanny, Model JX5, the Italian Gardener. All of Them Ready to Serve You and Bring a Touch of Old-World Graciousness into Your Home.

I entered and went through the dusty showroom into the workshop, which looked like an uneasy combination of slaughterhouse and giant’s workshop. Heads, arms, legs, torsos, were stacked on shelves or propped in corners. The parts looked uncannily human except for the dangling wires.

Snaith came out of the storeroom to greet me. He was a little gray worm of a man with a lantern jaw and large red dangling hands. He was some kind of a foreigner—they’re always the ones who make the best bootleg robots.

He said, “It’s ready, Mr. Watson.” (My name is not Watson, Snaithe’s name is not Snaithe. All names have been changed here to protect the guilty.)

Snaithe led me to a corner of the workshop and stopped in front of a robot whose had was draped in a sheet. He whisked off the sheet.

It was not enough to say that the robot looked like me; physically, this robot was me, exactly and un mistakably feature for feature, right down to the textures of skin and hair. I studied that face, seeing as if for the first time the hint of brutality in the firmly cut features, the glitter of impatience inn the deep-set eyes. Yes, that was me. I didn’t bother with the voice and behavior tests at this time. I paid Snaithe and told him to deliver it to my apartment. So far, everything was going according to plan.

I live in Manhattan’s Upper Fith Vertical. It is an expensive position, but I don’t mind paying extra for a sky view. My home is also my office. I am an interplanetary broker specializing in certain classes of rare mineral speculations.

Like any other man who wishes to maintain his position in this high-speed competitive world, I keep to a tight schedule. Work consumes most of my life, but everything else is alloted its proper time and place. For example, I give three hours a week to sexuality, using the Doris Jens Executive Sex Plan and paying well for it. I give two hours a week to friendship and two more to leisure. I plug into the Sleep-inducer for my nightly quota of 6.8 hours, and also use that time to absorb the relevant literature in my field via hypno-paedics. And so on…

I had decided to get married at age 32.5 and to obtain my wife from the Guarantee Trust Matrimonial Agency, an organization with impeccable credentials. But then something quite unexpected occurred.

*

Traduction au plus proche.

Le Robotorama de Snaithe est une boutique peu attrayante située sur le boulevard KB22, près de la coupure Uhuru, dans l'agglomération de Newark, entre une usine d'oxygénation et un magasin de protéines ? L'étalage de la vitrine correspond à ce que l'on peut attendre : trois robots humanoïdes grandeur nature au sourire figé, habillés de manière professionnelle - le modèle PB2, le chef français, le modèle LR3, la nounou britannique, le modèle JX5, le jardinier italien. Tous prêts à vous servir et à apporter une touche de grâce à l'ancienne dans votre maison.

Je suis entré et j'ai traversé la salle d'exposition poussiéreuse pour me rendre dans l'atelier, qui ressemblait à une combinaison malaisée d'abattoir et d'atelier de géant. Des têtes, des bras, des jambes, des torses étaient empilés sur des étagères ou placés dans des coins. Les pièces ressemblaient étrangement à membres humains, à l'exception des fils qui pendaient.
Snaith sortit de la réserve pour m'accueillir. C'était un genre de vermisseau humain grisâtre avec une mâchoire en forme de lanterne et de grandes mains rouges qui pendaient. C'était une sorte d'expatrié — ce sont toujours eux qui fabriquent les meilleurs robots de contrebande.

Il dit : "C'est prêt, M. Watson". (Mon nom n'est pas Watson, le nom de Snaithe n'est pas Snaithe. Tous les noms ont été changés ici pour protéger les coupables).

Snaithe me conduisit dans un coin de l'atelier et s’arrêta devant un robot dont le corps était recouvert d'un drap. Il ôta vivement sur le drap.

Il ne suffisait pas de dire que le robot me ressemblait ; physiquement, ce robot, c’était moi, exactement et sans aucune erreur, trait pour trait, jusqu'aux textures de la peau et des cheveux. J'ai étudié ce visage, voyant comme si c'était la première fois le soupçon de brutalité dans les traits fermement taillés, l'éclat de l'impatience dans les yeux enfoncés. Oui, c'était bien moi. Je ne pas pris pas la peine de tester la voix et le comportement alors. Je payai Snaithe et lui dit de me livrer à mon appartement. Jusque là, tout se passait comme prévu.
J'habite dans l'Upper Fifth Vertical de Manhattan. C'est un endroit cher, mais cela ne me dérange pas de payer un supplément pour la vue sur le ciel. Ma maison est aussi mon bureau. Je suis un courtier interplanétaire spécialisé dans certaines catégories de spéculations sur les terres rares.

Comme tout homme qui souhaite se maintenir en tête dans ce monde compétitif où tout va très vite, j’ai un emploi du temps serré. Le travail occupe la majeure partie de ma vie, mais tout le reste se voit allouer une place et un temps. Par exemple, je consacre trois heures par semaine à la sexualité, en utilisant le Plan Sexuel pour Cadres de Doris Jens et en payant bien pour cela. Je consacre deux heures par semaine à l'amitié et deux autres aux loisirs. Je me branche sur l'inducteur de sommeil pour mon quota nocturne de 6,8 heures, et j'utilise également ce temps pour absorber la littérature pertinente dans mon secteur via l'hypno-pédagogie. Et ainsi de suite...

J'avais décidé de me marier à l'âge de 32,5 ans et de trouver ma femme auprès de l'agence matrimoniale du Fond de Garantie, une organisation aux références irréprochables. Mais il arriva quelque chose de tout à fait inattendu.

*

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La traduction de Maud Perrin de 1980, pour J’AI LU FR.

Le Robotorama Snaithe est une boutique sans attrait, sise Boulevard KB22 près d’Uhuru Cutoff dans Greater New Newark entre une fabrique d’oxygénateurs et un magasin de protéines. En vitrine, noblesse oblige, des robots : trois humanoïdes au sourire figé, portant l’uniforme de leur profession — Modèle PB2, le chef cuisinier français ; Modèle LR3, la gouvernante anglaise ; Modèle JX5, le jardinier italien. « Avec eux à votre service, c’est le charme du passé qui entre dans votre foyer. »

Je traversai le magasin poussiéreux pour me rendre à l’atelier de fabrication, étrange compromis entre un abattoir et l’antre d’un monstre. Des têtes, des bras, des jambes, des bustes empilés sur les rayonnages, entassés dans les coins, tous avec une apparence humaine des plus troublantes… n’étaient les fils métalliques qui s’en échappaient.

Snaithe sortit de la réserve pour m’accueillir ; un petit homme terne et insignifiant, avec une mâchoire allongée et des mains rougeaudes au bout de ses bras ballants. Sûrement d’origine étrangère, de la race de ceux qui fabriquent les meilleurs robots de contrebande.
— C’est prêt, Mr Watson, m’annonça-t-il.

Je ne m’appelle pas Watson, ni lui Snaithe. Tous les noms ont été changés pour la sécurité des coupables.
Snaithe me conduisit vers un coin de la pièce devant un robot dont la tête était enveloppée dans un chiffon sur lequel il tira d’un coup sec.

Dire que le robot me ressemblait serait en dessous de la vérité. Physiquement c’était moi, mon double parfait, trait pour trait, jusqu’au grain de peau et à la texture des cheveux. Je le dévisageai d’un œil critique et notai, comme pour la première fois, la légère gressivité des traits bien dessinés et la lueur d’impatience dans les yeux enfoncés. A ce stade-là je ne procédai pas à un contrôle de la voix et du comportement. Je réglai Snaith et le priai de faire livrer l’objet à domicile. Jusque-là, tout marchait comme prévu.

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