La légende dorée, le recueil de légendes de 1266

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La légende dorée, le recueil de légendes de 1266

Messagepar Greenheart » Lun 5 Fév 2024 11:32

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Legenda Aurae (1266)
Traduction du titre original latin : La légende d'or.

Publié en latin en 1266.
Considérablement augmenté lors des rééditions.
Premier livre imprimé en français en 1476 à Lyon.
Traduit notamment par Jean de Vignay pour la reine Jeanne de Bourgogne,
Illustré par de nombreux bas-reliefs dans les cathédrales, ainsi que par de nombreux peintres et tapissiers.
Traduit en 1843 par Pierre-Gustave Brunet,
Traduit en 1902 par J.-B. M. Roze,
Traduit en 1911 par Teodor de Wyzeva.
Adapté au cinéma sans citer le titre et l'auteur du texte original aka plagiée dans Le Dragon du Lac de Feu 1981.

De Jacques de Voragine aka Jacobus de Voragine aka Jacopo da Varazz.

Pour adultes et adolescents.

(Compilation de légendes, Fantasy) La vie d’environ 150 Saints associés à un jour de l’année.

Spoiler : :
S’évertuant à remplacer les mythes et légendes gréco-romano-celtiques dites païennes tout en chroniquant l’Histoire, les plus éminents lettrés signent leurs propres ouvrages et leurs compilations à la manière antique — à savoir tel Pline ils lisent ou font lire tout livre ou archives sur un thème et font écrire par leur esclave assistant ce qui est noté à ce sujet, en censurant ou en brodant complétant au passage ce qui est retenu des textes plus anciens. Leur propre ouvrage ou compilation sera ensuite elle-même augmentée ou compilée.

La légende dorée, c’est plus ou moins un wiki d’époque des super-héros à la Marvel du moment, si les super-héros Marvel étaient basés en partie sur des gens qui ont existé et des évènements qui ont eu lieu, mais dont les détails ont pu être floutés ou altérés, au moins par la technique dites du « téléphone arabe ».

Ainsi, dans toute légende de dragon ou de serpent géant, à toutes les époques et Saint Georges n’est pas le premier à en affronter un, il y a le récit d’une attaque de quelque serpent géant, le genre de bête qui a la particularité d’avoir encore des spécimens de nos jours toujours aussi impressionnant. Cependant, le modèle évoqué dans les légendes, un peu comme le lion européen, a pu être exterminé jusqu’au dernier, ce qui est en cours presque toutes espèces animales en ce moment : ainsi pourra-t-on peut-être lire dans les légendes dorées du futur rédigées par ChatGPT comment Sainte Machintrucmuche tua une terrible girafe qui menaçait de dévorer une fillette réfugiée dans un arbre alors que Saint Georges lui-même se pissait dessus.

Il faut aussi compter avec la technique du plagiat très souvent exploitée par les religions, depuis la rédaction de leurs « bibles » : ce qu’elles ne brûlent pas, elles se l’approprie, en particulier dans le domaine des récits et chansons populaires : la légende du druide Merlin ou les exploits du chevalier antique Arthur sont ainsi resaucés, parce que, comme le note un responsable religieux, tout le monde s’endort à l’abbaye quand on fait lire à haute voix des ouvrages religieux, et tout le monde se réveille si on lit les exploits merveilleux de Merlin et d’Arthur.

Enfin, il faut noter que de nos jours, le Pape canonise plus vite que son ombre alors qu’avant le délai imposé était facilement de plus d’un siècle après la mort du saint ou de la sainte, et il canonise aussi facilement ses prédécesseurs — peut-être bientôt se canonisera-t-il lui-même alors qu’il est encore en poste, ou que son successeur sera canonisé dès son élection, à la manière dont les empereurs romains et les rois de France étaient proclamés dieux vivants et faisaient l’objet d’un culte tandis qu’on leur attribuait les honneurs de divers miracles entre autres conquêtes : la vérité est dans l’œil du chroniqueur, celui qu’on brûle avec ses œuvres quand il n’est pas assez bien dressé.

La légende dorée sert d’inspiration à de très nombreux récits postérieurs, notamment de ce que je constate au film Le dragon du lac de feu 1981 (Dragonslayer).


*

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Le texte original de Jacques de Voragine achevé en 1298.
Avec traduction juxtalinéaire de Jean-Baptiste Roze de 1902 (parenthèses de moi).

Noter que la wikipédia stigmatise la traduction de J.B Roze comme « historiquement dépassée » alors qu’elle est fidèle quasiment au mot près au texte source latin dont je dispose — et pas les autres traductions proposées. Donc, vérifiez toujours la Wikipédia et autres par vous-même.

CAP. LVIII.
(Chapitre 58)

De sancto Georgio.
(à propos de) Saint Georges.

Georgius dicitur a geos, quod est terra, et orge,
Georges est ainsi appelé de Geos, qui veut dire terre, et orge

quod est colere, quasi colens terram, id est carnem suam.
qui signifie cultiver, cultivant la terre, c’est-à-dire sa (propre) chair.

Augustinus autem in libro de trinitate, quod bona terra est
Saint Augustin au livre de la Trinité avance que la bonne terre est

altitudine montium, temperamento collium,
sur les hauteurs des montagnes, dans les collines tempérées,

planitie corporum. Prima enim est bona ad virentes herbas,
et dans les plaines des champs. La première convient aux herbes verdoyantes.

secunda ad vineas , tertia ad fruges. Sic beatus Georgius
la seconde aux vignes, la troisième aux blés., De même saint Georges

fuit altus despiciendo inferiora et ideo habuit virorem puritatis,
s’éleva en méprisant les choses basses ce qui lui donna la verdeur de la pureté,

temperatus per discretionem et ideo habuit vinum
il fut tempéré en discernement, aussi eut-il le vin

aeternae jucunditatis, planus per humilitatem
de l’allégresse intérieure. Il fut plein d’humilité

et ideo protulit fruges bonae operationis.
ce qui lui fit produire des fruits de bonnes œuvres.

Vel dicitur a gerar, quod est sacrum, et gyon, quod est arena,
Georges pourrait encore venir de gerar, sacré, de gyon, sable,

quasi sacra arena. Fuit enim arena, quia ponderosus
(quasiment) sable sacré ; or Georges fut comme le sable, lourd

morum gravitate , minutus humilitate,
par la gravité de ses mœurs, menu par son humilité

et siccus a carnali voluptate. Vel dicitur a gerar,
et sec ou exempt de volupté charnelle. Georges viendrait de gerar,

quod est sacrum , et gyon , quod est luctatio,
(ce qui veut dire) sacré, et gyon, (ce qui veut dire) lutte,

quasi sacer luctator, quia luctatus est cum dracone et carnifice;
(quasi) lutteur sacré, parce qu’il lutta contre le dragon et contre le bourreau ;

vel Georgius dicitur a gero, quod est peregrinus,
On pourrait encore tirer (Georges) de Gero, qui veut dire pèlerin,

gir praecisio et ys consiliator. Ipse enim fuit peregrinus
gir, précieux, et ys, conseiller. Car saint Georges fut pèlerin

*

in contemtu mundi , praecisus in corona martyrii et consiliator
dans son mépris du monde, précieux dans son martyre, et conseiller

in prae dicatione regni.
dans la prédication du royaume.

Ejus legenda inter scripturas apocryphas in Nicaeno concilio
Sa légende au nombre des pièces apocryphes dans les actes du concile de Nicée

connumeratur ex eo, quod ejus martirium
est mise, parce que l’histoire de son martyre

certam relationem non habet. Nam in calendario Bedae legitur,
n’est point authentique : on lit dans le calendrier de Bède,

quod sit passus in Persica civitate Dyaspoli,
qu’il souffrit en Perse dans la ville de Diaspolis

quae prius Lidda vocabatur, et est juxta Joppen. Alibi,
anciennement appelée Lidda, située près de Joppé. On dit ailleurs (d’autres)

quod passus sit sub Dyocletiano et Maximiniano imperatoribus
qu’il souffrit sous les empereurs Dioclétien et Maximien,

alibi quod sub Dyocletiano imperatore Persarum
On voit autre part que ce fut sous l’empire de Dioclétien (des Perses),

praesentibus LXXX regibus imperii sui. Hic,
En présence de 70 rois de son empire. D’autres enfin
(80 rois !!! : L=50 suivi de XXX = +30=80)

quod sub Daciano praeside imperantibus Dyocletiano
prétendent que ce fut sous le président Dacien, sous l’empire de Dioclétien

et Maximiniano.
et de Maximien.

*

Georgius tribunus genere Cappadocum pervenit quadam vice
Georges, tribun, né en Cappadoce, vint une fois

in provinciam Libyae in civitatem , quae dicitur Silena.
A Silcha, ville de province de Lybie.

Juxta quam civitatem erat stagnum instar maris ,
A côté de cette cité était un étang grand comme un mer,

in quo draco pestifer latitabat , qui saepe
dans lequel se cachait un dragon pernicieux, qui souvent

populum contra se armatum in fugam converterat
avait fait reculer le peuple venu avec des armes pour le tuer

flatuque suo ad muros civitatis accedens omnes inficiebat.
Il lui suffisait d’approcher les murailles de la ville pour détruire tout le monde de son souffle.

Qua propter compulsi cives duas oves quotidie sibi dabant, ut
Les habitants se virent forcés de lui donner tous les jours deux brebis afin

ejus furorem sedarent, alioquin sic muros civitatis invadebat
d’apaiser sa fureur ; autrement c’était comme s’il s’emparait des murs de la ville.

et aërem inficiebat , quod plurimi interibant. Cum ergo jam
Il infectait l’air, en sorte que beaucoup en mouraient. Or,

oves paene deficerent, maxime cum harum copiam habere
les brebis étant venues à manquer et être fournies en quantité suffisante.

non possent, inito consilio ovem cum adjuncto homine tribuebant.
ne pouvant, on décida dans un conseil qu’on y ajouterait un homme

Cum igitur sorte omnium filii et filiae hominum darentur
Tous les garçons et les filles étaient désignés par le sort,

et sors neminem exciperet, et jam paene
et il n’y avait d’exception pour personne.

*

omnes filii et filiae essent consumti, quadam vice filia regis unica
Or comme il n’en restait presque plus, le sort vint à tomber sur la fille unique du roi.

sorte est deprehensa et draconi adjudicata. Tunc rex contristatus ait:
Qui fut par conséquent destinée au monstre. Le roi tout contristé dit :

tollite aurum et argentum et dimidium regni mei
« Prenez l’or, l’argent, la moitié de mon royaume,

et filiam mihi dimittite , ne taliter moriatur.
Mais laissez-moi ma fille, et qu’elle ne meure pas de semblable mort,

Cui populus cum furore respondit : tu , o rex ,
Le peuple lui répondit avec fureur : « O Roi, c’est toi,

hoc edictum fecisti et nunc omnes pueri nostri mortui sunt
qui as porté cet édit, et maintenant que tous nos enfants sont morts,

et tu vis filiam tuam salvare ? nisi in filia tua compleveris,
tu veux sauver ta fille ? Si tu ne fais pour ta fille,

quod in aliis ordinasti, succendemus te et domum tuum.
Ce que tu as ordonné pour les autres, nous te brûlerons avec ta maison.

Quod rex videns coepit filiam suam flere dicens :
En entendant ces mots, le roi se mit à pleurer sa fille en disant :

heu me, filia mea dulcissima, quid de te faciam ?
Malheureux que je suis ! ô ma tendre fille, que faire de toi ?

aut quid dicam ? quando plus videbo nuptias tuas ?
(ou) que dire ? Je ne verrai donc jamais tes noces ?

Et conversus ad populum dixit : oro , ut inducias
Et se tournant vers le peuple : « je vous en pris, dit-il, accordez-moi

octo dierum lugendi mihi filiam tribuatis.
Huit jours de délai pour pleurer ma fille.

Quod cum populus admisisset, in fine octo dierum
Le peuple y ayant consenti, au bout de huit jours.

reversus populus est cum furore dicens : quare perdis
revint en fureur et il dit au roi : « pourquoi perds-tu

populum tuum propter filiam tuam? En
le peuple pour ta fille ? Voici que

omnes afflatu draconis morimur.
nous mourons tous du souffle du dragon.

Tunc rex videns, quod non posset filiam liberare,
Alors le roi, voyant qu’il ne pourrait délivrer sa fille,

induit eam vestibus regalibus et amplexatus eam cum lacrymis
la fit revêtir d’habits royaux et l’embrassa avec larmes,

dixit : heu me, filia mea dulcissima, de te
en disant : « Ah que je suis malheureux ! ma très douce fille, de ton sein

filios in regali gremio nutrire credebam et nunc vadis,
j’espérais élever des enfants de race royale Et maintenant tu vas

ut a dracone devoreris. Heu me , filia mea dulcissima,
être dévorée par le dragon. Ah malheureux que je suis ! ma très douce fille.

sperabam ad tuas nuptias principes invitare, palatium
j’espérais inviter des princes à tes noces, ton palais

margaritis ornare , tympana et organą audire,
orner de pierres précieuses, entendre les instruments et les tambours

et nunc vadis , ut a dracone devoreris. Et deosculans dimisit
et tu vas être dévorée par le dragon. » Il l’embrassa et la laissa partir

eam dicens : utinam , filia mea , ego ante te mortuus essem,
en lui disant : « O ma fille, que ne suis-je mort avant toi

quam te sic amisissem !
pour te perdre ainsi ! »

*

La traduction de traduction par T. de Wyzewa de 1910.

Source : [url=https://fr.wikisource.org/wiki/La_Légende_dorée/Saint_Georges]Wikisource[/url], libre de droits.

CHAPITRE LIX, SAINT GEORGES, MARTYR
23 avril.


L’introduction originale au chapitre n’est pas traduite.

Georges était originaire de Cappadoce, et servait dans l’armée romaine, avec le grade de tribun. Le hasard d’un voyage le conduisit un jour dans les environs d’une ville de la province de Libye, nommée Silène. Or, dans un vaste étang voisin de cette ville habitait un dragon effroyable qui, maintes fois, avait mis en fuite la foule armée contre lui, et qui, s’approchant parfois des murs de la ville, empoisonnait de son souffle tous ceux qui se trouvaient à sa portée.

Pour apaiser la fureur de ce monstre et pour l’empêcher d’anéantir la ville tout entière, les habitants s’étaient mis d’abord à lui offrir, tous les jours, deux brebis. Mais bientôt le nombre des brebis se trouva si réduit qu’on dut, chaque jour, livrer au dragon une brebis et une créature humaine. On tirait donc au sort le nom d’un jeune homme ou d’une jeune fille ; et aucune famille n’était exceptée de ce choix. Et déjà presque tous les jeunes gens de la ville avaient été dévorés lorsque, le jour même de l’arrivée de saint Georges, le sort avait désigné pour victime la fille unique du roi. Alors ce vieillard, désolé, avait dit : « Prenez mon or et mon argent, et la moitié de mon royaume, mais rendez-moi ma fille, afin que lui soit épargnée une mort si affreuse ! »

Mais son peuple, furieux, lui répondit : « C’est toi-même, ô roi, qui as fait cet édit ; et maintenant que, à cause de lui, tous nos enfants ont péri, tu voudrais que ta fille échappât à la loi ? Non, il faut qu’elle périsse comme les autres, ou bien nous te brûlerons avec toute ta maison ! » Ce qu’entendant, le roi fondit en larmes, et dit à sa fille : « Hélas, ma douce enfant, que ferai-je de toi ? Et ne me sera-t-il pas donné de voir un jour tes noces ? » Après quoi, voyant qu’il ne parviendrait pas à obtenir le salut de sa fille, il la revêtit de robes royales, la couvrit de baisers, et lui dit : « Hélas, ma douce enfant, j’espérais voir se nourrir sur ton sein des enfants royaux, et voici que tu dois me quitter pour aller servir de pâture à cet horrible dragon ! Hélas, ma douce enfant, j’espérais pouvoir inviter à-tes noces tous les princes du pays, et orner de perles mon palais, et entendre le son joyeux des orgues et des tambours ; et voici que je dois t’envoyer à ce dragon qui doit te dévorer ! »

Et il la renvoya en lui disant encore : « Hélas, ma fille, que ne suis-je mort avant ce triste jour ! » Alors la jeune fille tomba aux pieds de son père, pour recevoir sa bénédiction ; après quoi, sortant de la ville, elle marcha vers l’étang où était le monstre. 
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