Les cavernes d'acier, le roman de 1954

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Les cavernes d'acier, le roman de 1954

Messagepar Greenheart » Mar 20 Fév 2024 14:41

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The Cave Of Steels (1953)
Titre français : Les cavernes d’acier.
Autre titre : Les villes d’acier.
Sous-titré : le cycle des robots 3 depuis 2011.

Publié dans Galaxy d’octobre à décembre 1953 ;
sorti aux USA chez Doubleday en 1954 ;
traduit en français anonymement en mai 1954, juin 1954 et juillet 1954 pour Galaxie numéro 6, 7, 8 ;
traduit en février 1956 par Jacques Brécard pour Hachette Le Rayon Fantastique.
Rassemblé en Omnibus en décembre 1990 réédité en 1999, en octobre 2003 aux Presses de la Cité « Le Grand Livre des Robots vol 1 ».
Réédité en poche en 2020.

Adapté pour la télévision en Angleterre sur BB2 avec Peter Cushing pour la série d’anthologie Story Parade.

De Isaac Asimov.

Pour adultes et adolescents.

(polar futuriste) Roj Nemmenuh Sarton, l’Ambassadeur des Spatiens vient d’être assassiné chez lui, dans la Cité de l’Espace, l’avant-poste des Spatiens voisin de New-York. Elija Bailey, le plus brillant des enquêteurs doit enquêter en coordination avec un enquêteur spatien, et son supérieur Julius Enderby le charge de prouver que les enquêteurs humains ne peuvent être remplacer par des androïdes. Or l’enquêteur spatien n’est autre qu’un androïde, de génération supérieure aux robots terriens.

*

Spoiler : :
Le cycle des Robots et en particulier Les cavernes d’Acier, ont particulièrement inspirés les auteurs de la série Äkta människor, Real Humans / 100% humains 2012. Isaac Asimov écrit sans recourir à l’ultraviolence ou au sexe, avec une réelle expérience des Sciences et surtout de leur vulgarisation, tout en maîtrisant l’énigme policière. Ses fameuses Trois Lois n’ont en réalité jamais été respectées par les robots (virtuels ou physiques) et dans ces récits, Asimov, ne cesse de trouver des nouveaux moyens ou de nouvelles raisons de les contourner — en cela, c’est un échec total de vision du futur.

En revanche, Asimov a un réel sens de l’intrigue, de la construction d’univers et du caractère de ses personnage, et en cela c’est un véritable plaisir et une expérience riche de suivre les enquêtes de son héros, tandis que les humains du 21ème siècle se font effectivement remplacer par des robots encore moins fiables qu’eux si l’on considère la facilité avec laquelles ces robots se sabotent ou se dérèglent, et les dégâts qu’ils occasionnent alors. Ou encore ce qui arrive quand un robot super efficace et fiable sert un maître avide psychopathe sans foi ni loi.

Les androïdes arrivent, celui d’Elon Musk ne devrait plus tarder à être présenté, le chien robot censé ne jamais être utilisé par la police est utilisé par la police, et les drones tueurs brevetés par Israël avec l’argent détourné du crédit impôt recherche français tuent en Lybie dans la censure des médias français, tandis qu’on se lamente sur les massacres à mains armés commis un peu partout par des humains « fous ». Attendez seulement de voir ce qui arrivera quand un drone tueur sera lâché sur une zone française, sans personne du public capable d’identifier le danger, pour cause la censure de l’Etat et nos médias serviles.

Bref lisez Isaac Asimov en discernant bien ses gadgets littéraires ou sa propagande au service des cercles du pouvoir de sa culture scientifique et de son talent de conteur. Je divulgâche à ce sujet le message final du Cycle des Robots : l’Humanité mérite d’être l’esclave d’un programme, peu importe qui aura écrit ce programme et au service de qui. Et de rappeler la nouvelle de la semaine dernière : la Chine a nommé à la tête d’une de ses grosses entreprises une intelligence artificielle, tandis qu’aux USA, c’est aussi une intelligence artificielle qui repère les salariés qui ont besoins d’être « soutenus », pour les virer. Autrement dit, sachez apprécier et vous enrichir intellectuellement en lisant de la bonne Science-fiction, mais ne gobez pas trop vite tout ce que les auteurs peuvent vous raconter.


*

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Le texte original de Isaac Asimovv de octobre 1953 pour Galaxy, illustré par EMSH.

The Caves Of Steel

Future New York would have been a great place to live in… if it weren’t for the deadly helpfulness of its robots… and the fact that someone chose the worst man in the world to murder!

CHAPTER I

LIJE BALEY had just reached his desk when he became aware of R. Sammy watching him expectantly.
The dour lines of his long face hardened. “What do you want?”
“The boss wants you, Lije. Right away. Soon as you come in.”
“All right.”

R. Sammy stood there with his unchanging blank grin.
Baley said. “All right, I told you! Go away!”
R. Sammy turned and left to go about his duties. Baley wondered irritably why those duties couldn’t be done by a man.

He paused to examine the contents of his tobacco pouch and made a mental calculation. At two pipefuls a day, he could stretch it to next quota day.
Then Baley stepped out from behind his railing—he’s earned a railed corner two years ago—and walked the length of the common room.
Simpson looked up from a merc-pool file as he passed. “Boss wants you, Lije.”
“I know. R. Sammy told me.”

A closely coded tape reeled out of the merc-pool’s vitals as the small instrument searched and analyzed its “memory” for the desired information, which was stored in the tiny vibration patterns of the gleaming mercury surface within.

“I’d kick R. Sammy’s armored behind if I weren’t afraid of breaking a leg,” said Simpson. “I saw Vince Barrett the other day.”
Baley’s long face grew longer. “How’s he doing?”

“Working a delivery-tread on the yeast farms. He asked if there was any cance he could get his job back. Or any job in the Departmen. What could I tell him? R. Sammy’s doing Vince’s job now and that’s that. A damned shame. Vince is a bright kid. Everyone liked him.”

Baley shrugged. “It’s something we’re all living through,” he said in a manner stiffer than he intended of felt. He’s liked Vince too, and hated the vacantly grinning robot that had replaced the boy. His own foot had itched in much the same fashion as Smipson’s. Not just for R. Sammy, either. For any of the damned robots.

*

La traduction au plus proche

Les cavernes d’acier

Le New York du futur aurait été un endroit formidable à vivre... s'il n'y avait pas eu la serviabilité mortelle de ses robots... et le fait que quelqu'un ait choisi le pire homme du monde à assassiner !

CHAPITRE I

LIJE BALEY venait d'atteindre son bureau lorsqu'il s'aperçut que R. Sammy l'observait avec impatience.
Les lignes austères de son long visage se durcirent. « Qu'est-ce que tu veux ?
— Le patron veut te voir, Lije. Tout de suite. Dès que tu arrives.
—D'accord. »

R. Sammy se tenait là avec son immuable sourire en coin.
Baley dit. « D'accord, je te l'avais dit ! Va-t'en ! »
R. Sammy se retourna et partit vaquer à ses occupations. Baley se demanda avec irritation pourquoi ces tâches ne pouvaient pas être accomplies par un être humain.

Il s'arrêta pour examiner le contenu de sa blague à tabac et fit un calcul mental. A raison de deux pipes pleines par jour, il pouvait atteindre le prochain jour de la distribution du tabac.
Puis Baley sortit de derrière sa rambarde — il avait gagné une section de rambarde il y a deux ans — et marcha le long de la salle de bureaux partagés.
Comme il passait, Simpson leva les yeux d'un dossier rédigé automatiquement. « Le patron veut te voir, Lije. — Je sais. R. Sammy me l'a dit. »

Une bande au code serré s'échappa des entrailles de l’imprimante de ressources, tandis que le petit instrument cherchait et analysait sa "mémoire" pour retrouver l'information désirée, laquelle était stockée dans les minuscules motifs des vibrations de la surface de mercure étincelante à l'intérieur.
« Je botterais bien le derrière blindé de R. Sammy si je n'avais pas peur de me casser une jambe, dit Simpson. J'ai vu Vince Barrett l'autre jour. »

Le long visage de Baley s’allongea encore. « Comment va-t-il ?
— Il travaille au déchargement d’un tapis-roulant dans les fermes à levure. Il a demandé s'il y avait une possibilité de récupérer son travail. Ou n'importe quel travail dans le département. Qu'est-ce que je pouvais lui dire ? R. Sammy fait le travail de Vince maintenant et c'est tout. Une sacrée honte. Vince est un garçon intelligent. Tout le monde l'aimait bien. »

Baley a haussé les épaules. « C'est quelque chose que nous sommes tous en train de vivre. » Il avait répondu plus raidement qu'il ne l'aurait voulu. Il avait bien aimé Vince aussi, et il détestait le robot au sourire vide qui avait remplacé le garçon. Son propre pied l'avait démangé de la même façon que celui de Simpson. Pas seulement pour R. Sammy, d'ailleurs. Pour n'importe lequel de ces maudits robots.

*

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La traduction anonyme dans Galaxie numéro 6 de mai 1954

LES VILLES D’ACIER

par Isaac ASIMOV

Quelques centaines de siècles dans le futur. Nourris chimiquement, ou de céréales et de légumes forcés en usines, les Terriens sont maintenant groupés dans d’énormes cités d’acier.
Les colonies créées dans les mondes extérieurs se sont depuis longtemps affranchies de la tutelle de la Terre. Elles manifestent l’intention de moderniser entièrement leur économie qui se trouve dans une impasse.

Mais les Terriens accepteront-ils leurs formes nouvelles de civilisation ? Accepteront-ils surtout la collaboration des robots à vraie figure humaine créés dans les mondes nouveaux ?
En effet, le chômage né sur la Terre, dans certains secteurs, par suite de l’emploi de robots ordinaires, a déjà entraîné des émeutes.



CHAPITRE I

Lije Baley s’installait devant son bureau quand il s’aperçut que R. Sammy l’attendait, en le regardant fixement.
Les traits de Baley, naturellement austères, se durcirent encore.

« Que veux-tu ? »
— « Le Patron vous demande de suite, Lije ; il a dit : aussitôt arrivé. »
— « Bien », mais R. Sammy restait sur place, immobile, le sourire figé, sans aucune expression.
« Je t’ai dit : bien ; alors va-t-en ! » cria Baley impatiemment.

R. Sammy fit demi-tour, et s’en fut, pendant que Baley se demandait aigrement pourquoi ces commissions n’étaient pas confiées à un quelconque garçon ?
Avant de s’en aller, Baley s’arrêta un instant pour examiner le contenu de sa blague à tabac, et faire rapidement le calcul mental : à deux pipes par jour, pendant combien de temps pourrait-il encore fumer ? Puis il quitta le bureau grillagé, son coin personnel, qu’il était parvenu à obtenir, grâce à ses bonnes notes, deux années auparavant.

Il traversa la grande salle commune ; à son passage, Simpson, assis parmi la file des employés, leva la tête, et remarqua : « Le Patron vous attend, Lije. »
— « Je sais, R. Sammy m’a prévenu ».

Et Simpson s’écriait : « Comme j’aurais plaisir à envoyer un coup de pied quelque part à cet affreux Sammy ! Mais je crains toujours de lui casser un membre ! » Il ajouta : « À propos, j’ai rencontré, l’autre jour, Vince Barrett. »
La longue figure de Baley s’allongea encore : « Que devient-il ? »
— « Il travaille, comme livreur dans les fermes à levure ; il m’a demandé s’il aurait quelque chance de récupérer son ancienne place, ou une occupation quelconque dans notre Administration. Que lui répondre ? R. Sammy l’a remplacé, c’est chose faite. Pauvre Vince, un chic type, que tout le monde appréciait ! »

Baley haussa les épaules, et articula sèchement : « Nous en sommes tous là maintenant », car, lui aussi, aimait autant Vince qu’il exécrait le robot au sourire vague et grimaçant, qui l’avait remplacé, et, comme à Simpson, le pied lui démangeait, non seulement vis-à-vis de Sammy, mais aussi à l’encontre de toutes ces maudites machines qui envahissaient tout.

*

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La traduction française de Jacques Brécart de 1956 pour le Rayon Fantastique, J’ai Lu et Les Presses de la Cité.

Les cavernes d’acier

1
ENTRETIEN AVEC UN COMMISSAIRE


Lije Baley venait d’atteindre son bureau quand il se rendit compte que R. Sammy l’observait, et que, manifestement, il l’avait attendu.
Les traits austères de son visage allongé se durcirent.

— Qu’est-ce que tu veux ? fit-il.
— Le patron vous demande, Lije. Tout de suite. Dès votre arrivée.
— Entendu !
R. Sammy demeura planté à sa place.
— J’ai dit : entendu ! répéta Baley. Fous le camp !

R. Sammy pivota sur les talons, et s’en fut vaquer à ses occupations ; et Baley, fort irrité, se demanda une fois de plus, pourquoi ces occupations-là ne pouvaient pas être confiées à un homme. Pendant un instant, il examina avec soin le contenu de sa blague à tabac, et fit un petit calcul mental : à raison de deux pipes par jour, il atteindrait tout juste la date de sa prochaine distribution.

Il sortit alors de derrière sa balustrade (depuis deux ans, il avait droit à un bureau d’angle, entouré de balustrades) et traversa dans toute sa longueur l’immense salle.
Comme il passait devant Simpson, celui-ci interrompit un instant les observations auxquelles il se livrait, sur une enregistreuse automatique au mercure, et lui dit :
— Le patron te demande, Lije.
— Je sais. R. Sammy m’a prévenu.

Un ruban couvert d’inscriptions serrées en langage chiffré sortait sans arrêt des organes vitaux de l’enregistreuse ; ce petit appareil recherchait et analysait ses « souvenirs », afin de fournir le renseignement demandé, qui était obtenu grâce à d’infinies vibrations produites sur la brillante surface du mercure.
— Moi, reprit Simpson, je flanquerais mon pied au derrière de R. Sammy, si je n’avais pas peur de me casser une jambe ! Tu sais, l’autre soir, j’ai rencontré Vince Barrett…
— Ah oui ?...
— Il cherche à récupérer son job, ou n’importe quelle autre place dans le Service. Pauvre gosse ! Il est désespéré ! Mais que voulais-tu que, moi, je lui dises ?... R. Sammy l’a remplacé, et faite exactement son boulot : un point, c’est tout ! Et pendant ce temps-là, Vince fait marcher un tapis roulant dans une des fermes productrices de levure. Pourtant c’était un gosse brillant, ce petit-là, et tout le monde l’aimait bien !

Baley haussa les épaules et répliqua, plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu :
—Oh ! tu sais, nous en sommes tous là, plus ou moins.

*
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