Marathon de Noël 2016

Marathon de Noël 2016

Messagepar Greenheart » Dim 18 Déc 2016 20:19

Marathon de Noël 2016

Car il en faudra, de la générosité, pour conclure une année 2016 au moins aussi atroce pour la Paix et le Bonheur de l'Humanité que les précédentes... :pleure: :0067: :D

***

Image

Il y a une lumière...

Une nouvelle de Noël ou de n'importe quand d'ailleurs, pour quand ça vous fera plaisir.

Pour adultes et adolescents.

***

Allan s’était endormi à l’arrière de la voiture. Par moments, il émergeait, et apercevait les lumières des voitures qui semblaient flotter sur l’autoroute, et par d’autre, il replongeait dans le rêve et l’autoroute semblait flotter, suspendue au-dessus des nébuleuses et d’autres galaxies.

Ils revenaient d’un concert des Smiths… Bien sûr, ce n’était pas eux pour de vrai. Ce n’était pas des hologrammes, ni des robots et encore moins des sosies à leur image. Mais ils étaient là en vrai. En chair, en os et en sueur. Et le public aussi était vrai, ce n’était pas du virtuel, ni de l’hypnose, ni des faux souvenirs imprimés dans la cervelle – ce truc n’avait jamais marché, parce qu’il aurait fallu imprimer les mêmes souvenirs synchronisés dans tous les autres centres nerveux du corps pour que l’illusion soit parfaite, et on n’en était pas là…

Allan était encore émerveillé de sa soirée, de l’after avec le groupe qui avait suivi. Aucun excès, aucune drogue, juste de la chaleur humaine… Et ils avaient joué de nouveau, et Allan, qui n’aurait jamais osé le faire lors du vrai concert, avait sacrifié à la tradition de serrer dans ses bras Morrissey, sans aucune arrière-pensée, juste de la pure communion, une tendresse infinie…

Bien sûr, ce n’était pas Morrissey, et c’était lui en même temps. Personne n’avait venu venir ce que tout le monde avait coutume d’appeler « L’invention ». C’était un truc qui avait simplement et instantanément ruiné les vendeurs de drogues, et toute l’économie internationale et tous les gouvernements qu’il y avait derrière.

Sur tous les media, le message unique était répété associé aux pires images, au pire son pour interdire aux masses d’user de l’invention. Le gouvernement, dans ses derniers errements, avait tout tenté – il avait lâché toutes les sectes, mobilisé tous les dealers pour faire du porte à porte et promettre l’enfer et la rédemption en même temps. Mais tout le monde avait déjà essayé l’Invention, et plus personne ne se connectait, plus personne ne suivait.

La police et l’armée et tout le reste de l’administration lâchèrent les gouvernants, lâchèrent les maîtres, et l’élite, persuadée que le pays sombrait dans un genre d’apocalypse zombie que même la bande dessinée, HBO, AMZ, le FBI, la CIA, Assange et Snowden réunis n’avaient pas vu venir - l'élite prit la fuite, persuadée qu’une bonne vieille dictature sanguinaire aux petits oignons les accueilleraient avec leur petit personnel et tout ce qu’ils avaient volé.

Même le Vatican avait presque été déserté par ses maîtres, à part bien sûr une poignée de plus ou moins innocents et d’autres qui ne doutaient de rien. La majorité de la clique était en effet persuadées que le Jugement Dernier allait arriver, et absolument certains qu’aucune extrême onction et qu’aucune des indulgences qu’ils avaient vendues n’avaient fonctionné, puisque les intéressés revenaient demander le remboursement à leurs descendants de toutes les sommes versées plus le préjudice moral de toute une vie de souffrance à croire en une faute qu’ils n’avaient pas commises et à un paradis où personne n’allait jamais.

Pourtant, le principe de l’Invention était simple, et n’impliquait la prise d’aucune pilule, ni d’exposition aux radiations ou l’immersion dans on ne sait quel liquide – eau bénite, sang de vierge, lait de chèvre – les gens avaient à toutes les époques, tout essayé. Non, l’Invention faisait partie du pack de base à la livraison du corps humain à ce monde – certains parlaient de vaisseau : tout être vivant était forcément relié à une masse d’être vivants que ce soit en direction du passé comme en direction du futur ou encore dans toutes les directions.

C’était évident quand on entrait tous en phase que ce soit dans un concert de rock, un match de foot, une messe honnête ou un rassemblement, même limité à la table d’un pub ou d’une brasserie.

L’Invention, c’était le même principe – sauf que c’était avec n’importe qui du passé, du présent ou du futur ou même de fictionnel– ou plutôt le meilleur de n’importe qui et n’importe qui de présent et bien réel. Cela n’avait rien d’une possession : on pouvait reprendre les commandes à n’importe quel moment, et l’Autre n’avait aucune crainte de repartir, puisqu’il ne cesserait jamais d’exister à un moment ou à un autre du passé, du futur, ou du présent et peu important.

Bon, c’est vrai que c’était un peu chelou de se retrouver nez à nez avec soi-même plus jeune, ou d’un héros de son enfance, ou sorti de l’écran de cinéma comme dans ce film de Woodie Allen, la cruauté du monde en moins – ou encore, de pouvoir discuter comme si de rien n’était avec quelqu’un qu’on savait avoir été abattu par un timbré ou culbuté par un putain de camion des années auparavant.

Mais très vite, on entrait en phase les uns les autres, et personne ne revenait pour se venger ou prendre la place de quelqu’un ou, vous savez bien, pour faire ce que tant de gens faisaient aux autres sur cette planète et probablement sur d’autres : abuser. Et le gros plus, c’est que personne n’en mourrait ou ne disparaissait. En fait c’était exactement le contraire, à chaque instant.

Pour certains commentateurs, qui choisissaient soigneusement leur mots, et les pensaient avec un minimum d'intelligence et d'empathie, au lieu de dire n’importe quoi comme cela ou de répéter ce que disait le prompteur ou l’oreillette, il s’agissait d’une mutation – une évolution, comme un nouveau sens ou un nouvel organe – mais sincèrement, Allan avait beau eu s’examiner, et examiner les autres, aucune antenne ne leur était sorti de la tête et aucun troisième œil ou sixième doigt ne leur était poussé.

D’un autre côté, on n’avait plus ressenti le besoin de couper les sixièmes doigts pas plus que d’autres appendices de ceux qui en avaient, et on n’avait plus vraiment besoin de médicaments pour guérir tout à fait : on inventait, on entrait en phase, et on ne retenait que le meilleur de l’autre – donc sa santé de fer, sa jeunesse de corps et d’âme si on voulait se sentir jeune aujourd’hui, ou la force de sa maturité, de sa sagesse – ou tout en même temps. On dépassait les opposés.

L’accélération extrême qui semblait mener l’Humanité à son anéantissement ou plus exactement à l’état de troupeau apeuré qui ne devait se fier qu’à une seule voix, un seul guide, une seule information officielle – avait abouti au résultat exactement inverse.

Le travail était fait, la civilisation – la vraie – ne s’était pas écroulée. Bien sûr, les inhumains demeuraient, prisonniers de leurs forteresses et rêvant d’un jour régner à nouveau sur leurs esclaves et de s’amuser de nouveau à les regarder se massacrer et s’exploiter entre eux tandis que les maîtres continueraient d’engranger leurs bénéfices pour les gaspiller toujours davantage et pourrir le reste de l’univers jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Mais cela n’arriverait plus jamais sur la Terre, ni d’ailleurs dans tout le Système Solaire ou dans ce que l’on appelait maintenant l’Univers Approché.

Une autre hypothèse qui avait été évoquée était que les extraterrestres avaient débarqué et à la manière des Martiens de Ray Bradbury, prenaient le visage des disparus, des êtres chers et des gens célèbres. Sauf qu’à ce compte-là, il n’y avait plus un seul humain sur la Terre, puisque tout le monde pouvait le faire. Et puis, tous les extraterrestres ne savaient pas encore Inventer.

Allan se réveilla tout à fait. La voiture s’était arrêté sur une aire d’autoroute pour admirer le soleil qui se levait. D’autres routards avaient fait la même chose. Tout était propre, sain et sûr, et s’il fallait réparer quelque chose, il y avait toujours quelqu’un qui avait des outils et les pièces de rechange étaient en libre service.

Allan n’avait aucune idée de sur quelle épaule il s’était endormi, et cela n’avait aucune importance – ils feraient les présentations, voilà tout… En voyant se lever le soleil, Allan souriait comme un enfant : Morrissey avait bien raison de chanter qu’il y a une lumière qui ne s’éteint jamais. Il ne parlait simplement ni du Soleil, ni des étoiles, ni d’aucun lampadaire...

Et puis Allan demanda à ceux qui étaient là si cela leur disait d’aller voir le prochain concert de Bowie sur Mars – la vraie. La prochaine sortie n’était pas loin d’un astroport et le voyage leur prendrait moins longtemps que l’autoroute pour aller voir Morrissey.



(In)FIN (i)

Tous droits réservés, David Sicé texte - achevé le 18 décembre 2016.
Illustration de Rossano - utilisation et modification autorisée à cette date, source


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Re: Marathon de Noël 2016

Messagepar Greenheart » Mar 20 Déc 2016 10:13

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Elisa sans Noël


Un conte de Noël très triste pour adultes et adolescents.



Mal refermé, le piano droit du salon montrait ses dents. Elisa poussa un gros soupir, commença par refermer le piano correctement. Puis elle se ravisa, ouvrit le piano et joua les premières notes de la Lettre à Elise, pour, comme à chaque fois, renoncer passer la première page.

La jeune fille poussa un nouveau gros soupir ; épousseta quelques aiguilles du sapin de Noël qui avaient atterri là on ne sait comment, le sapin - obscur - étant dans le coin opposé du salon. Elisa referma le piano avec soin, puis fit le tour du salon, désœuvrée. Elle s'arrêta un temps devant le grand sapin tout décoré et ses lumières éteintes. L'arbre, qui la dépassait d'au moins deux têtes la toisait avec méfiance, de l'air de dire : "Qu'est-ce qu'elle complote encore, celle-là ?"

Elle n'avait même pas allumer les appliques du salon, juste profité de la lumière restée allumée dans l'entrée. Il n'y avait aucun cadeau au pied de l'arbre. D'une part ce n'était pas encore l'heure, et d'autre part, Elisa savait bien que ses parents avaient tout emporté pour faire la tête chez des amis, avec sa grande sœur, Aline. Elisa, elle, avait été privée de Noël. La raison ? Une énième remarque de la professeur principale pour insolence...

Elisa avait beau eu tenté de l'expliquer à ses parents : si elle disait ce qu'elle avait à dire, on lui répondait que de toute manière elle avait toujours réponse à tout et qu'elle était toujours à faire sa maligne ; si elle se taisait, on lui demandait pourquoi elle ne l'avait pas dit plus tôt et on lui reprochait son manque de sociabilité ; et si elle le disait après, on lui reprochait alors de ne pas l'avoir dit plus tôt et de n'être qu'une hypocrite. Elisa, qui avait oublié d'être bête, comme le lui rappelait gentiment sa grande sœur, en avait déduit que ce n'était pas elle le problème, mais bien les adultes - et avait opté pour une franchise plutôt cassante toujours mal récompensée.

La punition d'être privée de Noël ne l'avait guère émue : de toute manière, il n'y avait qu'Aline pour lui offrir le cadeau qu'elle attendait, et Elisa savait bien que sa grande sœur le lui donnerait quand même cette année, la veille du jour de l'an quand les parents sortiraient au restaurant comme chaque année. Mais en attendant, Elisa se retrouvait toute seule la nuit de Noël, à ne rien faire... Oh, ce n'était pas qu'elle ne sache pas s'occuper, c'était seulement qu'elle n'avait envie de rien - ou plutôt, elle avait bien envie, mais elle n'arrivait à rien, même pas à regarder un film à la télé : dans sa tête, ça tournait et ça tournait et ça tournait encore, trop vite et trop de choses à la fois pour qu'elle puisse en tirer quelque chose - et elle finissait par avoir envie de casser quelque chose. Mais casser quelque chose qui ne lui avait rien fait la dérangeait, donc elle s'abstenait.

Elisa s'apprêtait à quitter le salon quand le déclic de la porte-fenêtre qui s'ouvrait l'arrêta net. Elle fit un bond léger dans l'entrée, attrapa un parapluie assez solide et retourna dans la salon, allumant cette fois les appliques : entré par la porte-fenêtre qui donnait sur le jardin, lui-même figé debout devant le sapin de Noël, un jeune dit "des quartiers" se tenait là, en survêtement noir, un pied de biche à la main.

Elisa lui trouva l'air ahuri. Elle l'interpella donc, sans hésiter : "Qui vous êtes, vous !"

Réalisant sans doute qu'il n'avait à faire qu'à une "gamine", le jeune se redressa avec un sourire méchant : "le Père Fouettard : tes parents m'ont dit que tu n'avais pas été sage alors je suis venu te piquer tes jouets..."

Peu impressionnée, Elisa rétorqua : "C'est déjà fait. Plus où elle est ta barbe et où ils sont tes accessoires sado-maso ?"

Le jeune avait déjà perdu sa belle assurance, et Elisa, qui se sentait d'humeur à défier le monde entier, fit un pas vers lui. Il recula d'un pas, et, le dos frôlé par une branche griffue du sapin, fit un petit bond en direction de la porte-fenêtre, prêt à se replier. Le jeune reprit, mal à l'aise : "Alors comme ça quelqu'un t'a déjà piqué tes jouets... Tu veux dire, ta maison a déjà été visitée, par quelqu'un, comme moi ?"

Elisa haussa les épaules : "Non, je veux dire que mes parents m'ont privé de Noël. Ils sont parti donner tous mes cadeaux à quelqu'un d'autre. Enfin, c'est ce qu'ils m'ont raconté, parce qu'à mon avis, ils ne les avaient même pas achetés depuis le début. C'était prémédité."

Le jeune leva et baissa les yeux ; Elisa se disait alors qu'il essayait de réfléchir et que c'était si difficile pour lui qu'il lui venait forcément des tics. Puis il sourit à nouveau. Un sourire en coin, faux, avec les yeux fuyants : "C'est vraiment pas sympa de leur part..."

Il baissa carrément son pied de biche, puis le posa, lentement, bien en vue sur la table basse : "Dis, tu dois être furieuse contre eux, non ?"

"Un peu..." répondit Elisa, qui attendait la suite : elle aussi avait baissé son parapluie, mais ne l'avait pas lâché.

"Et si... reprit le jeune: et si tu te vengeais. Et si..."

Elisa lui coupa la parole : "J'ai bien pensé à mettre le feu à la maison, mais ils sont assurés..."

Le masque faillit tomber, mais le jeune homme se força à continuer de faire semblant d'être amis : "Et si tu m'aidais à leur piquer leurs cadeaux à eux, tes parents. Je veux dire, tout ce que tu as à faire, c'est m'indiquer de suite où se trouvent les trucs intéressants - genre les bijoux, le liquide, enfin tout ce qui est facile à emporter et peut rapporter gros."

Elisa répondit, catégorique : "Non. Et puis franchement je ne vois pas pourquoi tu traînes encore ici à faire la conversation : tu devrais repartir de suite d'où tu viens et aller plutôt fêter Noël avec les gens que tu aimes..."

Le jeune se fâcha tout rouge : "Non mais pour qui tu te prends espèce de petite garce ! T'as quoi, dix ans ? Je fais deux fois ta taille, je pourrais t'attraper et te violer et personne ne viendrait à ton secours !"

Elisa le prit de très haut : "D'abord faudrait vraiment que tu sois une merde pour essayer de violer une gamine de dix ans la nuit de Noël..."

En fait, elle en avait douze, mais elle ne crut pas bon de le préciser.

"...Et tout ça pourquoi au juste ? Pour les dix centimes que mes radins de parents m'ont laissé au cas où je voudrais jeter une pièce à un pauvre par la fenêtre ?"

Et elle avança à nouveau, menaçante : "Me violer ? moi ? Comme si t'étais pas cap' de te trouver une coiffeuse de télé-réalité avec une grosse poitrine et un gros cul qui te ferait des trucs dont je ne sais même pas que ça existe ?"

Le jeune protesta, regardant de tous les côtés comme s'il craignait avoir à faire à une caméra cachée : "Hé, me parle pas comme ça !"

Puis, ayant vu ce qu'elle voulait voir, elle recula : "Allez, rentre chez-toi, Kevin..."

Alors le jeune homme blêmit et répondit, la voix altérée : "Comment tu sais mon nom ?"

Très fière d'elle, Elisa expliqua : "T'as une étiquette collée sur ton pantalon. Ta maman a demandé au magasin de faire les ourlets et il y a ton nom écrit dessus. Ton nom complet, et ton adresse."

Kevin regarda à nouveau de tous les côtés, puis ramassa promptement son pied-de-biche sur la table basse : "Je vais m'en aller maintenant... Mais si tu dis quoi que ce soit à quelqu'un, je te fume, tu m'entends ?"

Elisa répondit, prenant un air blasé : "Bien sûr que je t'entends. Et tu cries tellement fort que tout le quartier doit t'entendre."

Kevin rétorqua : "ça, ça m'étonnerait, je suis bien renseigné, toutes les villas du lotissement sont vides ce soir. T'as de la chance que j'essaie d'être quelqu'un de bien, parce que sinon, je t'aurais fichu une raclée et tu aurais fêté la nouvelle année avec au moins le bras dans le plâtre."

Elisa hésita une seconde avant de répondre, en regardant droit dans les yeux le jeune homme : "En effet, j'ai de la chance que tu sois un type bien. Maintenant laisse-moi te répéter ce bon conseil : rentre chez toi et passe de bonnes fêtes. Parce que tes renseignements, ils sont faux. L'année dernière, on a déjà cambriolé une maison du lotissement la nuit de Noël, et j'ai entendu dire par mes parents qu'il y avait des gens ici qui étaient chasseurs et qu'ils comptaient monter la garde cette fois. Alors puisqu'on dirait que tu as de l'imagination, Kevin, imagine un peu ce qui pourrait arriver si tu persistes à vouloir traîner dans le quartier."

Kevin baissa à nouveau son pied-de-biche et répondit froidement : "Tu mens."

Piquée au vif, Elisa répliqua : "Eh bien t'a qu'à vérifier par toi-même : la maison du chasseur, c'est celle du voisin !"

Kevin lâcha avec mépris : "De toute manière tes parents sont complètement fauchés et toi t'es qu'une... pauvre : voilà pourquoi ils ne t'ont rien offert pour Noël !"

Et il sortit par la porte-fenêtre. Elisa en était seulement à se demander si cette dernière accusation aurait pu être fondée - non pas que les parents de la jeune fille puissent être vraiment pauvres, non, ce n'était vraiment pas le cas ; par contre, qu'ils aient décidé de garder l'argent des cadeaux d'Elisa pour faire la fête, c'était parfaitement poss...

Kevin repassait la tête par la porte fenêtre : "Et t'avise pas de prévenir les flics : de toutes manières, ils attendent toujours une heure avant d'arriver pour nous laisser terminer notre travail et tuer les gens - ils préfèrent te voir crever la bouche ouverte plutôt que de risquer leur peau - et franchement, je les comprends !"

Elisa ne daigna pas répondre. Au lieu de cela, elle alla droit à la porte-fenêtre : les parents d'Elisa avait tout simplement oublié de la fermer, et le volet électrique n'avait toujours pas été réparé. Elisa traita ses parents de tout et verrouilla cette fois soigneusement la porte fenêtre. Puis elle alla au téléphone, et sans l'ombre d'une hésitation, elle appela la police.

Elle était en train de leur raconter toute l'histoire quand elle entendit la première détonation, très sourde, mais qui avait quand même fait trembler la vitre.

Elisa lâcha le téléphone, se retourna vers la porte fenêtre.

La seconde détonation retentit, toute proche - on aurait dit dans son jardin.

Elisa oublia toute prudence, déverrouilla la porte-fenêtre et sortit dans le jardin. En fait de jardin, c'était une petite pelouse toute vide. De l'autre côté du grillage, on voyait parfaitement l'allée du lotissement. Elisa traversa la pelouse, grimpa sur un muret pour franchir le portail et se précipiter auprès du corps allongé face contre terre sur le goudron. La voix du vieux voisin criait "éloigne-toi, petite ! comment elle s'appelle déjà ?" et la voix de sa femme répondait "Élisa - baisse-ton fusil maintenant, il a son compte!"

Au début, Elisa crut qu'elle ne ressentait rien de particulier. Puis elle réalisa que des larmes roulaient sur ses joues sans aucune raison. Ce n'est que lorsqu'elle retira sa main du sol à côté du corps parce que Kevin avait dû renverser un truc poisseux et chaud par terre qu'elle comprit enfin ce qui lui était arrivé.

Parce qu'elle avait oublié d'être bête.

***

Un an plus tard, Elisa avait refusé de suivre ses parents et sa grande sœur à "leur" fête de Noël. Sa mère avait commenté que comme d'habitude, Elisa n'en faisait qu'à sa tête ; son père avait juste fait remarquer qu'ils étaient en retard. Ils n'avaient rien dit cette fois à propos des cadeaux, mais Aline en l'embrassa lui avait gentiment soufflé qu'elle trouverait le sien "comme tout le monde" le lendemain matin au pied du sapin.

Une fois ses parents et Aline partis, Elisa était allée faire un tour dans le salon. Cette fois-là aussi, le piano droit du salon montrait ses dents. La jeune fille se garda bien d'y toucher. Mais ce sapin-là, un peu plus petit que le précédent semblait la considérer de manière plus amicale. Ou alors, c'était elle qui avait grandi... Elisa soupira. Puis elle s'étonna de trouver un tout petit paquet argenté au bas de l'arbre. Intriguée, elle le ramassa. La carte était à son nom - alors elle défit le paquet, sans plus de façon.

C'était une petite bague fantaisie, qui ne devait pas valoir grand chose, mais qui était jolie comme tout. Elisa déplia alors le petit papier que quelqu'un avait laissé dessous, se demandant pourquoi Aline n'avait finalement pas attendu pour lui laisser son cadeau. Il était - assez laborieusement - écrit dessus : "celle la je l'ai pas volé".

Elisa sourit et déclara d'une voix forte : "T'imagine pas que ça suffira à te faire pardonner !"

Mais en fait si : l'arbre de Noël frissonna - puis ses décorations électriques s'illuminèrent tout entière. Les cordes du piano les plus basses se mirent à vibrer toutes seules tandis que les marteaux s'écartaient. Puis les marteaux retombèrent et les cordes se turent, tandis que les décorations électriques s'éteignaient peu à peu.

Troublée, Elisa appela, ironique : "Casper ?"

Le volet électrique de la porte fenêtre avait été réparé. Elisa se précipita sur l'interrupteur, déverrouilla la porte fenêtre. Les lumières du jardin et la lumière du lampadaire qui éclairait l'allée vacillèrent - puis s'éteignirent complètement, mais on y voyait encore curieusement clair. Puis l'ombre recouvrit le sol, alors Elisa leva les yeux.

Dans le ciel, elle aurait pu jurer que les étoiles brillaient plus fort.

Puis, comme il faisait froid, elle rentra chez elle se réchauffer avec un chocolat au lait.

***

FIN.


Tous droits réservés, David Sicé texte et illustration, achevé le 20 décembre 2016.

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