Entre bon et correct, la comédie décalque son intrigue principale et sa métaphore principale de Tron (1982). Au-delà des gags relativement bon enfant, il y a des jeux de mots strictement réservés pour les adultes,
Bien sûr, déclarer "vivant" une intelligence artificielle - et par vivant vous devez comprendre "ayant autant sinon plus de droits" qu'une personne réelle, sensible et capable de se reproduire sans l'aide d'un studio informatique ou un laboratoire de génétique et autres sectes élevant des femmes enceintes en batterie --, revient à populariser l'idée parfaitement fausse qu'une bête IA aurait une quelconque moralité, une once d'empathie ou la capacité de tomber amoureux (ce qui implique d'avoir un corps biologique car tomber amoureux implique outre le conditionnement de l'éducation un système immunitaire compatible que Guy n'a jamais eu et n'aura jamais). C'est le même procédé que de prétendre que les robots auront un jour des lois éthiques à suivre quand dans la réalité ils servent d'abord à tuer et remplacer les gens, et voler leurs données personnelles tous en les trompant sur le résultat de leurs recherches d'informations honnêtes, puis de censurer leurs messages au reste du monde chaque fois qu'ils n'arrangent pas les pires ordures de la planète et leurs trolls.
Free Guy se présente bien sûr comme une comédie naïve entendant rassembler le public sans vexer personne, les répliques trop suggestives ou trop woke pouvant facilement être coupée selon le pays de diffusion, avec un message positif de recherche d'une totale liberté - on suppose la totale liberté en vue d'un bonheur respectant celui des autres, et non la liberté de tuer et mutiler et asservir dont certains "abusent" plus que jamais sur cette planète. On reste cependant songeur quand à l'impact de cette apologie d'être simplement heureux alors qu'il faut un pass sanitaire pour entrer dans le cinéma, et que sur toute la planète, les élites asservissent et suppriment les libertés élémentaires avec des justifications clairement fausse et tous ceux qui le savent très bien pissent dans leur froc à l'idée de prévenir et protéger leurs prochains choisissant d'être complices et exécutés en retour quand le château de cartes s'écroulera.
Le film se double d'une critique beaucoup plus ambigu de la civilisation actuelle qui encourage à massacrer et user de violence gratuite plus ou moins virtuelle tandis qu'on rate sa vie et laisse le monde entier périr à l'abri (très relativement, il s'entend) dans sa chambre devant son écran vidéo. Les NPC (personnages non joueurs) sont également une métaphore des citoyens qui servilement choisissent de rester à la place à laquelle les maîtres de leur économie les ont assignés, et à sourire, quand bien même leurs proches se font sadiquement massacrer. "Restons Zen", c'est la devise que le petit Adolphe aurait dû afficher à l'entrée de ses camps, plutôt qu" "à chacun son travail", un slogan également complètement approprié à Free City.
Et pour en arriver à quoi au juste ? Le même genre de fin que
Les films confondant la réalité et la simulation se multiplient ces dernières années. C'est aussi une tromperie fréquente dans les récits cyberpunks (le virtuel n'égalera simplement jamais le réel, par définition) mais il me semblait que les auteurs étaient plus prompts (comme autrefois en Science-fiction) à dénoncer la fraude qui consiste à vendre comme un monde authentique un simulacre : une image de pomme ne nourrit pas son homme, ou sa femme, ou n'importe quel autre organisme jusqu'à la paramécie qui souffrira puis crèvera elle-aussi si vous la nourrissez seulement d'oxygène virtuel. A la décharge de la production, Free Guy n'aurait pas été écrit aussi servilement, il ne serait jamais sorti, visionnez plutôt Idiocracy, le formidable film de Mike Judge dont le studio a interdit au réalisateur de montrer la bande-annonce et qui n'a été projeté que dans quelques salles sans aucune publicité, juste pour faire semblant de respecter le contrat.
J'oserais cependant croire qu'il y a derrière les jolies images et l'indifférence générale apparente vis à vis de l'ultraviolence que les héros dénoncent un bouillonnement, voire une rage vis à vis de l'injustice
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