Périphériques, le roman de 2014

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Périphériques, le roman de 2014

Messagepar Greenheart » Mar 20 Fév 2024 11:33

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The Peripheral (2014)
Titre français : Périphériques. Sous-titre : Périphériques volume 1.

Sorti au Canada le 28 octobre 2014 chez G. P. Putnam's Sons.
Traduit en français en le 6 février 2020 chez Au Diable Vauvert.

De William Gibson.

Pour adultes et adolescents.

(cyberpunk, presse) dans une petite ville de l'Amérique rurale. Flynne Fisher travaille dans une boutique locale d'impression 3D et vit avec sa mère et son frère Burton, qui a subi un traumatisme cérébral dû aux implants cybernétiques qu'il a reçus lorsqu'il servait dans l'unité d'élite Haptic Recon du corps des Marines des États-Unis.

Lorsque Burton se rend dans une autre ville pour protester contre les manifestations d'un groupe extrémiste religieux connu sous le nom de Luke 4:5, il lui demande de reprendre son travail de sécurité dans un jeu vidéo/monde virtuel pour une société soi-disant colombienne appelée Milagros Coldiron. Flynne accepte le poste et remarque que le monde du jeu ressemble étrangement à Londres, mais en beaucoup plus vide et plus futuriste.

Aux commandes d'un quadrocopter de sécurité, elle repousse les drones des paparazzi depuis l'appartement d'une femme inconnue dans une tour. La deuxième nuit, elle est témoin d'un homme et d'une femme sur un balcon, où la femme est apparemment tuée et dévorée par un essaim de nanorobots. Flynne ne sait pas si cela est réel ou fait partie d'un jeu virtuel.

*

Le texte original de William Gibson du 28 octobre 2014 pour G. P. Putnam's Son.

The Peripheral

I have already told you of the sickness and confusion that comes with time travelling. —H. G. WELLS

1.
THE HAPTICS


They didn’t think Flynne’s brother had PTSD, but that sometimes the haptics glitched him. They said it was like phantom limb, ghosts of the tattoos he’d worn in the war, put there to tell him when to run, when to be still, when to do the bad-ass dance, which direction and what range. So they allowed him some disability for that, and he lived in the trailer down by the creek. An alcoholic uncle lived there when they were little, veteran of some other war, their father’s older brother. She and Burton and Leon used it for a fort, the summer she was ten.
Leon tried to take girls there, later on, but it smelled too bad. When Burton got his discharge, it was empty, except for the biggest wasp nest any of them had ever seen. Most valuable thing on their property, Leon said. Airstream, 1977. He showed her ones on eBay that looked like blunt rifle slugs, went for crazy money in any condition at all. The uncle had gooped this one over with white expansion foam, gone gray and dirty now, to stop it leaking and for insulation. Leon said that had saved it from pickers. She thought it looked like a big old grub, but with tunnels back through it to the windows.

Coming down the path, she saw stray crumbs of that foam, packed down hard in the dark earth. He had the trailer’s lights turned up, and closer, through a window, she partly saw him stand, turn, and on his spine and side the marks where they took the haptics off, like the skin was dusted with something dead-fish silver. They said they could get that off too, but he didn’t want to keep going back.

“Hey, Burton,” she called.
“Easy Ice,” he answered, her gamer tag, one hand bumping the door open, the other tugging a new white t-shirt down, over that chest the Corps gave him, covering the silvered patch above his navel, size and shape of a playing card.

Inside, the trailer was the color of Vaseline, LEDs buried in it, bedded in Hefty Mart amber. She’d helped him sweep it out, before he moved in. He hadn’t bothered to bring the shop vac down from the garage, just bombed the inside a good inch thick with this Chinese polymer, dried glassy and flexible.

You could see stubs of burnt matches down inside that, or the cork-patterned paper on the squashed filter of a legally sold cigarette, older than she was. She knew where to find a rusty jeweler’s screwdriver, and somewhere else a 2009 quarter.

Now he just got his stuff out before he hosed the inside, every week or two, like washing out Tupperware. Leon said the polymer was curatorial, how you could peel it all out before you put your American classic up on eBay. Let it take the dirt with it.

Burton took her hand, squeezed, pulling her up and in.
“You going to Davisville?” she asked.
“Leon’s picking me up.”
“Luke 4:5’s protesting there. Shaylene said.”

He shrugged, moving a lot of muscle but not by much.
“That was you, Burton. Last month. On the news. That funeral, in Carolina.”

He didn’t quite smile.
“You might’ve killed that boy.”

He shook his head, just a fraction, eyes narrowed.
“Scares me, you do that shit.”
“You still walking point, for that lawyer in Tulsa?”
“He isn’t playing. Busy lawyering, I guess.”
“You’re the best he had. Showed him that.”
“Just a game.” Telling herself, more than him.
“Might as well been getting himself a Marine.”

She thought she saw that thing the haptics did, then, that shiver, then gone.
“Need you to sub for me,” he said, like nothing had happened. “Five-hour shift. Fly a quadcopter.”

She looked past him to his display. Some Danish supermodel’s legs, retracting into some brand of car nobody she knew would ever drive, or likely even see on the road. “You’re on disability,” she said. “Aren’t supposed to work.”

He looked at her.
“Where’s the job?” she asked.
“No idea.”
“Outsourced? VA’ll catch you.”
“Game,” he said. “Beta of some game.”
“Shooter?”

*

La traduction au plus proche.

Le Périphérique

Je vous ai déjà parlé de la maladie et de la confusion qui accompagnent les voyages dans le temps. —H. G. WELLS

1. LES HAPTIQUES

Ils ne pensaient pas que le frère de Flynne souffrait d'un syndrome de stress post-traumatique, mais que parfois l'haptique le faisait dysfonctionner. Ils ont dit que c'était comme un membre fantôme, les fantômes des tatouages qu'il avait portés pendant la guerre, placés là pour lui dire quand courir, quand rester tranquille, quand faire la danse du méchant, dans quelle direction et à quelle distance. On lui a accordé une certaine invalidité pour ça, et il a vécu dans la caravane près du ruisseau. Un oncle alcoolique y vivait quand ils étaient petits, vétéran d'une autre guerre, le frère aîné de leur père. Elle, Burton et Leon l'ont utilisé comme fort, l'été de ses dix ans.

Leon a essayé d'y emmener des filles, plus tard, mais ça sentait trop mauvais. Quand Burton a obtenu sa décharge, elle était vide, à l'exception du plus gros nid de guêpes qu'ils avaient jamais vu. La chose la plus précieuse sur leur propriété, Leon a dit. Une Airstream, 1977. Il lui en a montré sur eBay qui ressemblaient à des balles de fusil émoussées et qui se vendaient à des prix fous, quel que soit leur état. L'oncle avait badigeonné celle-ci de mousse expansive blanche, devenue grise et sale, pour arrêter les fuites et pour l'isoler. Leon a dit que cela l'avait sauvé des voleurs. Elle pensait que cela ressemblait à une grosse et vieille larve, mais avec des tunnels pour arriver aux fenêtres.

En descendant le chemin, elle vit des miettes éparses de cette mousse, bien tassées dans la terre sombre. Les lumières de la remorque étaient allumées, et de plus près, à travers une fenêtre, elle le vit partiellement se lever, se tourner, et sur sa colonne vertébrale et son côté, les marques où ils avaient enlevé les haptiques, comme si la peau était saupoudrée d’argent genre poisson mort. Ils avaient dit qu'ils pouvaient aussi enlever ça, mais il ne voulait pas y retourner encore et encore.

— Hey, Burton, elle appela.
— Easy Ice, il répondit, — son pseudo de joueuse —, une main cognant pour ouvrir la porte, l'autre tirant vers le bas sur son nouveau t-shirt blanc, par-dessus le torse que le Corps lui a donnée, recouvrant la pièce de peau argentée au-dessus de son nombril, de la taille et de la forme d'une carte à jouer.

A l'intérieur, la caravane était de la couleur de la vaseline, avec des LED enterrées dedans, dans de l'ambre Hefty Mart. Elle l'avait aidé à la balayer, avant qu'il n'emménage. Il n'avait pas pris la peine de descendre l'aspirateur de la boutique du garage, il avait juste bombé l'intérieur d'un bon pouce d'épaisseur avec le polymère chinois, vitreux et flexible une fois sec.
On pouvait voir des bouts d'allumettes brûlées à l'intérieur, ou le papier imprimé façon liège du filtre écrasé d'une cigarette vendue légalement, plus vieille qu'elle. Elle savait où retrouver un tournevis de bijoutier rouillé, et quelque part ailleurs une pièce de 25 cents de 2009.

Désormais, il n’avait qu’à sortir ses affaires avant de nettoyer l'intérieur, toutes les semaines ou deux, comme on lave un Tupperware. Leon avait dit que le polymère préservait, et comment on pourrait le peler entièrement avant de mettre ce classique américain sur eBay. Et la saleté partirait avec lui.
Burton attrapa et serra la main de Flynne, et hissa la jeune fille à l'intérieur.

— Tu vas à Davisville ?, elle demanda.
— Léon passe me prendre.
— Luke 4 verset 5 manifeste là-bas. Shaylene l'a dit.
Il haussa les épaules, bougeant beaucoup de muscles mais pas de beaucoup.
— C'était toi, Burton. Le mois dernier. Aux infos. Cet enterrement, en Caroline.

Il ne souriait pas vraiment.
— Vous auriez pu tuer ce garçon.

Il secoua à peine la tête, les yeux rétrécis.
— Ça me fait peur, que tu joues au con.
— Tu fais toujours toujours l’éclaireuse, pour cet avocat à Tulsa ?
— Il ne joue pas. Occupé à faire du droit, je suppose.
— Tu es la meilleure qu'il ait jamais eue. Tu le lui a prouvé.
— C’est seulement un jeu… (à elle-même, plus qu'à lui.)
— Comme s’il avait embauché un vrai Marine.
Elle a cru voir ce truc que provoquent les haptiques, puis un frisson, puis plus rien.

— J'ai besoin que tu me remplaces, il dit alors, comme si rien ne s'était passé. Une vacation de cinq heures. Piloter un quadcoptère.
Elle regarda derrière lui son fond d’écran. Les jambes d'une mannequin vedette danoise, repliée dans une voiture de marque que personne de sa connaissance ne conduirait jamais, ou même ne verrait sur la route.
— Tu es en invalidité, elle dit. Tu n'es pas censé travailler.

Il la regarda.
— Où est le job ? elle demanda.
— Aucune idée.
— Sous-traité ? L’A.V. va te chopper.
— Un jeu, il répondit. Une Bêta d'un certain jeu.
— Un jeu de tir ?

*

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La traduction française de Laurent Queyssi de 2020 pour Au Diable Vauvert.

Périphériques

Je vous ai déjà dit quelles sensations nauséeuses et confuses donne un voyage dans le Temps.
H.G. Wells (traduction Henry D. Davray)

1
Les haptiques


Le frère de Flynne ne souffrait pas d’un syndrome post-traumatique, mais ses soucis provenaient des haptiques. Des problèmes comparables à des membres fantômes, réminiscences des tatouages qui, pendant la guerre, lui indiquaient quand courir, quand s’arrêter, dans quelle direction et à quelle distance tirer. Il recevait donc une pnesion d’invalidité, et habitait dans la caravane près du ruisseau où vivait autrefois leur oncle alcoolique, le frère aîné de leur père, vétéran lui aussi. L’été de ses dix ans, Flynne y avait joué, forteresse imaginaire, avec Leon et Burton. Quelques temps plus tard, Leon avait tenté d’y emmener des filles, mais l’endroit sentait trop mauvais. Lorsque Burton était revenu de l’armée, elle n’abritait plus qu’un immense nid de guêpe. D’après Leon, cette Airstream de 1977 était le seul objet de valeur de la propriété. Il lui en avait montré d’autres modèles sur eBay, en forme de balles de fusil émoussées, qui partaient pour des sommes folles, même dans des états déplorables. L’oncle avait recouvert celle-ci de mousse de polyuréthane blanche, désormais grise et sale, pour éviter les fuites et améliorer l’isolation. Ce qui l’avait préservée des glaneurs, selon Leon. Elle rappelait à Flynne une vieille larve immense parsemée de tunnels conduisant à ses fenêtres.

En descendant le chemin, elle distingua des morceaux de cette mousse enfoncés dans la terre sombre. Par la vitre de la caravane, lumières allumées, elle aperçut son frère qui se levait et se tournait. Elle discerna, sur son dos et ses flancs, les marques aux endroits où se trouvaient autrefois les haptiques, la peau recouverte d’une couche argentée évoquant un poisson mort. On pouvait apparemment lui enlever ces traces, mais il ne voulait plus y retourner.

« Salut, Burton, lança-t-elle.
— Easy Ice », répondit-il en l’appelant par son pseudo de gameuse.
D’une main il tint la porte ouverte et, de l’autre, baissa un t-shirt blanc immaculé pour recouvrir le torse qu’il devait à l’armée ainsi que la partie brillante en forme de carte à jouer au-dessus de son nombril.

L’intérieur du véhicule était couleur vaseline, avec les LED incrustées dans une matière ambre provenant du Hefty Mart. Flynne avait aidé Burton à le nettoyer avant qu’il emménage. Il n’avait même pas pris la peine de descendre l’aspirateur du garage et s’était contenté de pulvériser partout une bonne épaisseur de ce polymère chinois qui devenait transparent et souple en séchant. Dessous, on discernait des bouts d’allumettes cramés ou des mégots marron de cigarettes légales plus vieux qu’elle. Flynne se souvenait de l’emplacement d’un tournevis de précision rouillé et d’une pièce de monnaie de 2009.

Désormais, toutes les semaines ou deux, il sortait ses affaires et passait le jet à l’intérieur, comme pour laver un tupperware. Leon prétendait que le polymère protégeait la caravane et qu’il suffirait( de l’ôter pour mettre ce classique américain en vente sur eBy. Toute la saleté partirait avec lui.

« Tu vas à Davisville ? demanda-t-elle.
— Leon passe me prendre.
— Les Luc 4 :5 sont en train de protester, là-bas, d’après Shaylene. »

Il haussa les épaules, déplaçant de nombreux muscles de façon imperceptible.
« C’était toi, Burton. Le mois dernier. Aux infos. Cet enterrement en Caroline. »
Il sourit à peine.
« Tu aurais pu tuer ce gamin. »

Il remua imperceptiblement la tête, les yeux plissés.
« Tu me fais peur, avec ces trucs, poursuivit-elle.
— Tu sers toujours d’éclaireuse pour cet avocat de Tulsa ?
— Il ne joue plus. Sans doute trop occupé par son boulot.
—T’es la meilleure qu’il ait jamais eue. Tu lui as prouvé.
— Ce n’est qu’un jeu, dit-elle en essayant de s’en convaincre.
— C’était comme s’il avait engagé un Marine. »

Elle crut voir, un instant, le frisson dû aux haptiques.
« J’ai besoin que tu me remplaces, annonça-t-il comme si de rien n’était. Une garde de cinq heures. Pour piloter un quadrirotor. »

Elle regarda l’affichage derrière lui. Les jambes d’une mannequin danoise disparaissaient dans un modèle de voiture qu’aucune de connaissances de Flynne ne pouvait se payer, et qu’elle ne croiserait peut-être même jamais sur la route.
« Tu touches une pension d’invalidité, dit-elle. Tu n’es pas censé bosser. »

Il la considéra.
« C’est où, ce boulot ? demanda-t-elle.
— Aucune idée.
— De la sous-traitance ? Tu vas te faire gauler par le ministère des Anciens Combattants.
— C’est un jeu, expliqua-t-il. Un bêta-test.
— Un jeu de tir ?

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