Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919

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Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919

Messagepar Greenheart » Ven 1 Mar 2024 17:41

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Beyond the Wall of Sleep (1919)
Traduction : au-delà du mur du sommeil.
Titre français : Par-delà le mur du sommeil.

Sorti aux USA dans octobre 1919 dans le fanzine Pine Cones ;
Paru dans le magazine Weird Tales, numéro de mars 1938,
Traduit en français par Jacques Papy en 1956 aux éditions Denoël.

De Howard Philip Lovecraft.

Pour adultes et adolescents.

(presse) Joe Slater, un « White trash » originaire des Catskill, est interné dans un hôpital psychiatrique à la suite d'un meurtre. Les médecins constatent que Slater est atteint de violentes crises de démences matinales. Lors de l'une de ces crises, il décrit une entité flamboyante vivant aux confins de l'espace et de qui il désire se venger.

*

Spoiler : :
Le lecteur notera que Howard Philip Lovecraft est né le jour de la parution avancée de ce numéro des Chroniques de la Science-fiction, le 20 août 1890. Il s’agit bien entendu d’une pure coïncidence — le monde bien réel en est rempli…


*

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Le texte original de H. P. LOVECRAFT en mars 1938

Beyond the Wall of Sleep

What strange, splendid yet terrible experiences came to the poor mountaineer in the hours of sleep?—a story of a supernal being from Algol, the Demon-Star

I HAVE often wondered if the majority of mankind ever pause to reflect upon the occasionally titanic significance of dreams, and of the obscure world to which they belong. Whilst the greater number of our nocturnal visions are perhaps no more than faint and fantastic reflections of our waking experiences—Freud to the contrary with his puerile symbolism—there are still a certain remainder whose immundane and ethereal character permits of no ordinary interpretation, and whose vaguely exciting and disquieting effect suggests possible minute glimpses into a sphere of mental existence no less important than physical life, yet separated from that life by an all but impassable barrier. From my experience I cannot doubt but that man, when lost to terrestrial consciousness, is indeed sojourning in another and uncorporeal life of far different nature from the life we know, and of which only the slightest and most indistinct memories linger after waking. From those blurred and fragmentary memories we may infer much, yet prove little. We may guess that in dreams life, matter, and vitality, as the earth knows such things, are not necessarily constant; and that time and space do not exist as our waking selves comprehend them. Sometimes I believe that this less material life is our truer life, and that our vain presence on the terraqueous globe is itself the secondary or merely virtual phenomenon.

It was from a youthful revery filled with speculations of this sort that I arose one afternoon in the winter of 1900-01, when to the state psychopathic institution in which I served as an interne was brought the man whose case has ever since haunted me so unceasingly. His name, as given on the records, was Joe Slater, or Slaader, and his appearance was that of the typical denizen of the Catskill Mountain region; one of those strange, repellent scions of a primitive Colonial peasant stock whose isolation for nearly three centuries in the hilly fastnesses of a little-traveled countryside has caused them to sink to a kind of barbaric degeneracy, rather than advance with their more fortunately placed brethren of the thickly settled districts. Among these odd folk, who correspond exactly to the decadent element of "white trash" in the South, law and morals are non-existent; and their general mental status is probably below that of any other section of the native American people.

Joe Slater, who came to the institution in the vigilant custody of four state policemen, and who was described as a highly dangerous character, certainly presented no evidence of his perilous disposition when I first beheld him. Though well above the middle stature, and of somewhat brawny frame, he was given an absurd appearance of harmless stupidity by the pale, sleepy blueness of his small watery eyes, the scantiness of his neglected and never-shaven growth of yellow beard, and the listless drooping of his heavy nether lip. His age was unknown, since among his kind neither family records nor permanent family ties exist; but from the baldness of his head in front, and from the decayed condition of his teeth, the head surgeon wrote him down as a man of about forty.

From the medical and court documents we learned all that could be gathered of his case: This man, a vagabond, hunter and trapper, had always been strange in the eyes of his primitive associates. He had habitually slept at night beyond the ordinary time, and upon waking would often talk of unknown things in a manner so bizarre as to inspire fear even in the hearts of an unimaginative populace. Not that his form of language was at all unusual, for he never spoke save in the debased patois of his environment; but the tone and tenor of his utterances were of such mysterious wildness, that none might listen without apprehension. He himself was generally as terrified and baffled as his auditors, and within an hour after awakening would forget all that he had said, or at least all that had caused him to say what he did; relapsing into a bovine, half-amiable normality like that of the other hill-dwellers.

*

Traduction au plus proche

PAR-DELA LE MUR DU SOMMEIL

Quelles expériences étranges, splendides et pourtant terribles ont été vécues par le pauvre alpiniste pendant ses heures de sommeil ? — le récit d'un être surnaturel venu d'Algol, l'Etoile-Démon.

Je me suis souvent demandé si la majorité de l'humanité s'arrêtait un jour pour réfléchir à la signification parfois titanesque des rêves et du monde obscur auquel ils appartiennent. Si le plus grand nombre de nos visions nocturnes ne sont peut-être que de faibles et fantastiques reflets de nos expériences éveillées — pour contredire Freud et son symbolisme puéril — il en est encore un certain nombre dont le caractère immatériel et éthéré ne permet aucune interprétation ordinaire, et dont l'effet vaguement excitant et dérangeant suggère d'infimes aperçus instantanés possibles dans une sphère de l'existence mentale non moins importante que la vie physique, mais séparée de cette vie par une barrière presque infranchissable. De mon expérience, je ne puis douter que l'homme, lorsqu'il perd la conscience terrestre, ne séjourne en effet dans une autre vie, désincarnée, de nature très différente de celle que nous connaissons, et dont seuls les souvenirs les plus infimes et les plus indistincts subsistent après le réveil. De ces souvenirs flous et fragmentaires, nous pouvons déduire beaucoup de choses, mais prouver peu. Nous pouvons deviner que dans les rêves, la vie, la matière et la vitalité, telles que la terre les connaît, ne sont pas nécessairement constantes, et que le temps et l'espace n'existent pas tels que nous les concevons à l'état de veille. Je crois parfois que cette vie moins matérielle est notre vie la plus vraie, et que notre vaine présence sur le globe terrestre est elle-même un phénomène secondaire ou simplement virtuel.

C'est à partir d'une rêverie de jeunesse remplie de spéculations de ce genre que je me suis levé un après-midi de l'hiver 1900-1901, lorsque fut amené à l'institution psychopathique d’État dans laquelle je servais comme interne l'homme dont le cas m'a depuis lors hanté sans cesse. Son nom, tel qu'il figurait sur les registres, était Joe Slater, ou Slaader, et son apparence était celle d'un habitant typique de la région des montagnes Catskill ; l'un de ces descendants étranges et repoussants d'une lignée de paysans coloniaux primitifs dont l'isolement pendant près de trois siècles dans les hauteurs d'une campagne peu fréquentée les fit sombrer dans une sorte de dégénérescence barbare, plutôt que de progresser avec leurs frères plus heureusement placés dans les districts densément peuplés. Chez ces gens bizarres, qui correspondent exactement à l'élément décadent des "pauv’blancs" du Sud, la loi et la morale sont inexistantes ; et leur état mental général est probablement inférieur à celui de toute autre section du peuple américain indigène.

Joe Slater, qui était arrivé à l'institution sous la garde vigilante de quatre policiers d'État, et qui avait été décrit comme un personnage très dangereux, ne présentait certainement aucune preuve de sa disposition dangereuse lorsque je l'ai vu pour la première fois. Bien qu'il ait dépassé la taille moyenne et que sa charpente soit quelque peu robuste, il avait une apparence absurde de stupidité inoffensive à cause de la pâleur et de la somnolence de ses petits yeux larmoyants, de l'étroitesse de sa barbe jaune négligée et jamais rasée, et de l'affaissement apathique de sa lourde lèvre inférieure. On ne connaissait pas son âge, car chez les gens de son espèce, il n'y a pas de registre de famille ni de liens familiaux permanents ; mais d'après la calvitie de sa tête en avant et l'état de décomposition de ses dents, le chirurgien en chef l’inscrivit comme un homme d'environ quarante ans.

Les documents médicaux et judiciaires nous ont appris tout ce qui pouvait être recueilli sur son cas : Cet homme, un vagabond, chasseur et trappeur, avait toujours été étrange aux yeux de ses associés primitifs. Il avait l'habitude de dormir la nuit au-delà de l'heure ordinaire, et à son réveil, il parlait souvent de choses inconnues d'une manière si bizarre qu'elle inspirait la peur même dans le cœur d'une population sans imagination. Non pas que la forme de son langage soit inhabituelle, car il ne parlait jamais que dans le patois avili de son milieu, mais le ton et la teneur de ses propos étaient d'une sauvagerie si mystérieuse que personne ne pouvait l'écouter sans appréhension. Lui-même était généralement aussi terrifié et déconcerté que ses auditeurs, et dans l'heure qui suivait son réveil, il oubliait tout ce qu'il avait dit, ou du moins tout ce qui l'avait poussé à dire ce qu'il avait dit ; il retombait dans une normalité bovine, à moitié amorphe, comme celle des autres habitants des collines.

*

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La traduction française de Jacques Papy pour Denoël.

Je me suis souvent demandé si la majorité du genre humain prend jamais le temps de réfléchir à la signification, formidable parfois, des rêves et du monde obscur auquel ils appartiennent. Bien que la plupart de nos visions nocturnes ne soient peut-être rien d’autres que de vagues et bizarres reflets de nos expériences à l’état de veille — n’en déplaise à Freud avec son symbolisme puéril — il en reste néanmoins dont le caractère dépaysant et éthéré ne permet aucune interprétation banale, et dont l’effet vaguement provocateur et inquiétant évoque la possibilité de brefs aperçus dans une sphère d’existence mentale non moins importante que la vie physique, et pourtant séparée d’elle par une barrière pratiquement infranchissable. D’après mon expérience, je ne puis douter que cet homme qui a perdu sa conscience de Terrien séjourne en réalité dans une vie autre et incorporelle, d’une nature fort différente de la vie que nous connaissons, et dont ne demeurent au réveil que les souvenirs les plus fragiles et les plus confus. De ces souvenirs flous et fragmentaires, on peut tirer beaucoup de déductions mais peu de preuves. On devine que dans la vie des rêves, le matériel et le vivant ne sont pas nécessairement immuables ; et que le temps et l’espace n’existent pas tels que les saisit notre moi éveillé. Je pense quelque fois que cette existence moins matérielle est notre vie véritable, et que notre vaine présence sur le globe terraqué est elle-même le phénomène secondaire ou simplement virtuel.

Ce fut d’une rêverie juvénile pleine de spéculations de ce genre que j’émergeai un après-midi de l’hiver 1900-1901, lorsqu’on amena dans l’établissement public de psychopathologie où j’exerçais les fonctions d’interne l’homme dont le cas, depuis, n’a jamais cessé de me hanter. Il fut inscrit sous le nom de Joe Slater, ou Slaader, et il avait le type caractéristique d’un montagnard des Catskill ; un de ces rejetons étranges et repoussants d’une race paysanne primitive de colons, que près de trois siècles d’isolement dans les repaires accidentés d’une campagne peu fréquentée avaient plongés en une sorte de dégénérescence barbare, au lieu qu’ils progressent comme leurs congénères plus heureux des districts fortement peuplés. Chez ces gens bizarres, équivalents exacts de l’élément décadent des « petits Blancs » du Sud, il n’est ni loi ni morale, et leur niveau mental est probablement inférieur à celui de n’importe quel autre groupe américain de souche.

Joe Slater, qui arriva dans notre établissement sous la garde vigilante de quatre agents de police, et qui fut décrit comme très dangereux, ne présentait assurément aucun signe de ce naturel redoutable quand je l’aperçus pour la première fois. Malgré une taille au-dessus de la moyenne et un corps plutôt vigoureux, il avait l’allure ridicule d’un inoffensif idiot, avec ses petits yeux larmoyants d’un bleu pâle et sans vie, les poils rares d’une barbe jaune hirsute, non taillée, et la lourde lèvre inférieure qu’il laissait pendre mollement. On ne connaissait pas son âge, car chez ces gens-là, il n’existe ni archives familiales ni liens permanents de parenté ; mais d’après la calvitie à l’avant du crâne et le mauvais état des dents, le médecin-chef inscrivit que l’homme avait la quarantaine.

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