ça commence très mal avec des jeunes filles qui parlent, se comportent et insultent comme des adolescentes du 21ème siècle dans la langue du 21ème siècle tandis que bien sûr les garçons sont des éphèbes efféminés stupides et incapables, le tout dans des décors, costumes et situations visiblement récupérés dans d'autres productions, sur une musique pop-rock complètement anachronique (production anglaise, sinon ça aurait été du gangster rap comme dans Lovecraft Country censé se dérouler dans les années 1950).
Le plus choquant, c'est que les récits de Sherlock Holmes et surtout toute la description de l'époque victorienne - langage, société etc. est parfaitement accessible et libre de droit notamment dans le magazine où ont été publié les nouvelles originales, et ceux qui ont commis cette série ne se sont même pas donné la peine de se documenter ou de vérifier quoi que ce soit.
Mais les événements de la série seraient plus choquants encore pour qui auraient vécu cette époque, ou travaillé à une reconstitution sérieuse, ou ceux qui ont déjà vu des séries ou des films beaucoup plus sérieux.
Watson est bien sûr un grand noir qui se présente comme ayant une réputation honorable, réputation qui lui permettrait de demander en public à une jeune fille des rues asiatique de le monter dans une chambre contre de l'argent, et tout le monde autour a pu l'entendre, y compris, si la reconstitution avait été fidèle, les policiers postés tous les cinq à dix mètres dans ce genre de rues bien éclairées et animées.
Plus aucune jeune fille honnête ne sortirait de nuit sans chaperon -- ni se faire rapidement violer et éventrer par les innombrables vétérans timbrés dopés à la cocaïne de Londres, la capitale mondiale du trafic d'opium de l'époque -- probablement par un docteur avec de beaux habits et qui leur offrirait de l'argent comme Watson, et pas seulement du côté de White Chappel, la carte d'époque des taudis de Londres indique que la ville entière était un terrain de chasse à l'exception de quelques quartiers bien défendus.
Et le plus beau, les gamins se présentent au premier venu comme des mouchards de la police et bien sûr, la brute qui serait sur le point de les tabasser ne voudrait pas entraver une enquête de police officiel. Le gamin ne montre aucun badge, mais s'il en montrait un à l'époque, il terminerait vite en garniture de petits pains à la viande.
Autrement dit, l'élément de fantasy sert d'abord à cacher une ignorance crasse et de l'époque, et de savoir construire des personnages et des intrigues réalistes. Comparer avec deux téléfilms La malédiction du Rubis (The Ruby in the Smoke) et le Mystère de l'étoile polaire (The Shadow In the North) adaptées des aventures de Sally Lockhart jouée par Billie Piper (la blonde assistante du Docteur Who des années 2000) en respectant cette fois la culture et les mentalités de l'époque.
Le coup du prince fadasse avec la cible sur le dos me rappelle le faire valoir d'Enola Holmes : ce ne serait-y pas dans ce film de 2020 que la production aurait pêché son pitch et la moitié de son scénar.
Ah les conflits entre héros sans lesquels aucun de ces prétendus scénaristes ne sont capables d'écrire un épisode. Déjà dans les années 1980 avec Star Trek Nouvelle Génération, il fallait voir la bande d'auteurs producteurs pleurnicher quand Roddenberry leur commandait des histoires où l'équipage d'un vaisseau spatial s'entendait pour résoudre les problèmes et pas en créer le plus possible à bord et avec toutes les personnes qu'ils rencontraient.
Sauf qu'à l'époque victorienne, ce genre de conflits est simplement mortel entre gens qui devraient déjà être dans une m.rde noire à cause de leur statut social (aucun travail fixe, aucun parent ni tuteur et je ne parle pas du prince). D'ailleurs la réalité pour ces gamins très voyants, très bruyants et très louches, c'était l'arrestation d'office pour être envoyer dans une maison de travail (= d'esclavage) où ils mourraient vite des mauvais traitements et de la tuberculose.
La tuberculose, la grande absente de cette production : pourtant, vivre dans une cave était le meilleur moyen de l'attraper très vite, surtout quand on est mal nourri. Et justement, ces gamins, on ne les voit jamais manger. Ce qui me fait penser aussi à un truc bizarre : Watson veut que les gamins travaillent pour lui, et ils ne réclament aucune avance pour leur frais ? La série devrait plutôt s'appeler "Les bénévoles qui roulent sur l'or".